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dépenses faites au dehors par les nationaux qui y résident temporairement. La masse de l’actif à réclamer admet des élémens tout aussi nombreux, et rend F étude des faits également complexe. Le mouvement commercial, tel que le relèvent les états de douanes, constitue encore aujourd’hui presque partout la part la plus considérable des engagemens internationaux ; mais le commerce des titres prend une activité de plus en plus notable, les emprunts consentis ou contractés au dehors et la participation aux diverses entreprises étrangères entraînent l’importation ou l’exportation d’un article particulier, lequel consiste en titres de rente, en actions, en obligations, et qui n’est pas plus coté dans les tableaux officiels que ne peuvent l’être les arrérages à servir ou les coupons à toucher. Aussi les engagemens réciproques peuvent-ils être balances, bien que l’un des deux pays ait acheté beaucoup plus de produits qu’il n’en a donné en échange. Tel est, par exemple, l’état normal de l’Angleterre depuis nombre d’années. A étudier les relevés de ces échanges à travers le prisme trompeur des principes sur lesquels repose la balance du commerce, on dirait que l’Angleterre se ruine. C’est par centaines de millions qu’elle compte à chaque exercice l’excédant des importations sur les exportations. Cependant, loin de décliner, elle grandit, et sa richesse, au lieu de diminuer, augmente. Le mot de cette contradiction apparente est facile à saisir : pendant longtemps, l’Angleterre a exporté des capitaux qui se trouvent places dans les deux mondes, et dont elle perçoit le revenu ; elle touche régulièrement des sommes considérables comme prix du fret payé pour les marchandises qu’elle transporte dans le monde entier et comme droits de commission qu’elle perçoit en qualité de négociant actif et de banquier universel. Au point de vue de l’ancien système mercantile, un pays qui place au dehors un capital considérable et qui prouve ainsi sa puissance d’action arrive à une « balance défavorable, » car il exporte le numéraire, tandis que l’or, attiré par l’emprunt que contracte un pays qui se grève, conduit celui-ci à une « balance favorable. » Cette simple indication suffit pour montrer combien une pareille doctrine est peu acceptable. Le pays emprunteur exporte des titres, et les capitalistes prêteurs les importent dans leur pays ; le mouvement s’accomplit sans laisser de trace sur les registres de la douane. Il en est de même des opérations courantes de vente et d’achat de toutes les valeurs financières. On a vu des états privés de ressources pour balancer leur position, n’ayant ni numéraire à transmettre, ni produit à vendre en quantité suffisante, contracter un emprunt à l’étranger et exporter des titres publics créés pour satisfaire leurs créanciers. La Russie a plus d’une fois usé de ce procédé.