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prix aussitôt qu’on commence à les redouter. A mesure que la civilisation avance, que les applications merveilleuses de la science se multiplient, que la sécurité des expéditions commerciales, augmente, que les moyens rapides de transport diminuent en quelque sorte la distance en abrégeant le temps nécessaire pour accomplir les transactions et en accélérant la transmission de la pensée, les différences énormes qu’entraînait jadis l’envoi des espèces s’effacent, ’les variations du cours du change se restreignent. La vapeur et le télégraphe sont, les deux leviers les plus énergiques de cette tendance de plus en plus prononcée qui, en donnant plus de liberté et de sécurité aux opérations commerciales, leur imprime en même temps plus de rectitude.

Il est cependant des circonstances où le change baisse ou hausse au-delà, du prix des espèces. Ce sont les époques d’agitation, et de trouble, pendant lesquelles les craintes mises en, éveil font attacher beaucoup, de prix à la question de la réalisation des titres. Les porteurs des effets consentent alors aux plus larges sacrifices pour s’assurer des rentrées immédiates » Telle a été en 1861 la situation des États-Unis. Ceux qui dans ce pays avaient à recevoir le paiement de traites payables en Europe pouvaient s’en faire expédier le montant en or ; ils n’auraient payé que le prix du transport. Ils préféraient subir une perte beaucoup plus forte, parce que l’influence de, la panique leur faisait, souhaiter par-dessus tout de toucher sans retard de la, monnaie métallique. Ils se laissaient dominer par l’appréhension du danger, calamitatis meltu, pour employer l’expression célèbre de lord Overstone. Quand un pareil désarroi atteint le commerce, on ne consent pas volontiers à se séparer pendant des semaines de la seule valeur qui semble être à l’abri de toute commotion profonde, du numéraire. On se décide plus difficilement à l’aliéner pour l’achat de lettres, de change, même quand elles promettent un remboursement prochain. Dans l’intervalle, le taux de l’intérêt peut monter assez haut pour absorber et pour dépasser le profit obtenu. Supposons, par exemple, que le change donne un bénéfice de 1 1/2 pour 100 et qu’il faille attendre un mois pour opérer l’encaissement de l’effet et recevoir les espèces. en défalquant 1/2 pour 100, que l’on peut supposer à un pareil moment nécessaire pour couvrir les frais de transport et l’assurance des risques, il restera 1 pour 100 pour le loyer mensuel du capital, ce qui équivaut à un intérêt de 12 pour 100 par an. La perspective est favorable quand le taux de l’escompte est à 6 pour 100 ; mais si ce taux s’accroît. s’il atteint 12 pour 100, tout le bénéfice est effacé. S’il s’élève subitement à 24 pour 100, comme on l’a vu à New-York, le gain espéré se transforme en une perte correspondante.