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bonne ville de Paris, » il la proclame « capitale de l’Europe, » il lui envoie des drapeaux et des canons pris sur l’ennemi ; mais il fait et défait à sa guise les budgets, il consulte ou ne consulte pas le conseil-général, il décrète les chiffres, qui obéissent moins aisément que les hommes, et il dispose de Paris comme il disposait du reste de l’empire, comme il disposait de l’Europe. « Les devoirs des conseils-généraux, écrit-il en 1808, se bornent à faire connaître comment les lois sont exécutées. Ils sont autorisés à représenter les abus qui les frappent soit dans les détails de l’administration, soit dans la conduite des administrateurs ; mais ils ne doivent le faire qu’en considérant ce qui est ordonné par les lois et par les décrets comme étant le mieux possible. » Or l’empereur ordonnait tout par décret ; donc tout devait être pour le mieux. Telle était la doctrine de l’empire. Nous voilà bien loin du programme de 1800, et cependant le premier consul et l’empereur étaient le même homme, c’était à Paris le même préfet, c’était le même conseil-général. Par quelle pente, non pas insensible, mais très brusque au contraire, les pouvoirs publics se laissaient-ils entraîner si loin de leur origine, de leurs devoirs et même de leurs sentimens, car, si l’adulation était sur toutes les lèvres, la protestation était dans bien des cœurs ? Quand les choses arrivent à ce point, ce ne sont point les hommes qu’il faut accuser, ce sont les institutions.

Les membres du conseil municipal de Paris avaient été pris dans les rangs de la haute bourgeoisie, du commerce et de la banque ; ils étaient incontestablement honnêtes, éclairés, animés du sentiment du bien, tels, en un mot, que l’intérêt public pouvait les souhaiter et que le suffrage de leurs concitoyens aurait eu raison de les désigner, s’il eût été consulté. Quand on relit les rapports et les délibérations du conseil, on remarque le soin avec lequel sont traitées les affaires, la sagesse des propositions, en particulier l’extrême vigilance qui est apportée à la situation des finances. Parfois le conseil hasarde quelques réclamations, mais en quels termes ! M. L. Passy reproduit une longue délibération qui se rattache au budget de 1812. Dans ce document, le conseil signale un déficit, et il se plaint de ce que diverses dépenses d’utilité générale sont payées en totalité par la ville. « Il ne revient plus, dit-il, sur les considérations qui, les autres années, lui avaient fait penser que plusieurs de ces dépenses devaient être partagées entre le trésor public et la ville. Il l’avait demandé. La sagesse du souverain a prononcé contre l’opinion du conseil. Le conseil s’est donc trompé. » Heureusement l’empereur était économe, et il sut toujours ménager les finances ; mais que doit-on penser d’un système dans lequel le conseil municipal de Paris, composé, nous le