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Le gouvernement fédéral ne perçoit pas l’impôt foncier. Celui-ci appartient exclusivement aux états et aux corporations municipales, pour lesquelles il remplace en grande partie nos octrois. Le congrès ne pouvait modifier cette règle sans toucher aux bases mêmes de la constitution ; il lui fallut donc chercher d’autres matières imposables. Il avait établi un impôt sur le revenu, mais il s’était gardé de le faire porter sur les titres de la dette fédérale. Il a toujours repoussé comme contraires à l’honneur les propositions tendant à les grever après coup de charges non prévues dans le contrat entre la nation et ses créanciers. Les denrées alimentaires furent aussi, même dans les momens les plus difficiles, affranchies de toute taxe. Les marchandises considérées comme de luxe avaient en revanche été frappées de droits variables suivant les objets, et qui furent fixés, par exemple, pour les voitures, les orgues, les pianos, à 2 pour 100, pour les montres, à 1 pour 100. Sur les effets de commerce, les droits furent établis proportionnellement à la valeur de l’effet. Il ne faut pas oublier l’impôt d’un sou par boîte sur les allumettes chimiques : il rapporte par an au trésor plus de 25 millions de francs. Tous les objets manufacturés furent soumis à des taxes un peu arbitraires sans doute, mais facilement acceptées par le patriotisme américain. Le mode de perception est des plus simples. Quand un marchand vient acquitter les droits, on lui délivre des timbres mobiles représentant la valeur de la taxe, et qui doivent être apposés sur les objets vendus ou sur les factures qui les accompagnent. Les commerçans ne se soustraient guère à cette obligation ; ils ne sont pas tentés de prendre leurs cliens pour complices d’une petite fraude. Aussi est-il rare que l’on ait à infliger les peines établies pour assurer l’exécution de la loi. Le seul résultat fâcheux de ce système a été la duplication des impôts. Il est arrivé en effet que l’on frappait à la fois un produit manufacturé et chacun des élémens qui le composaient, ce qui élevait le total des taxes supportées par certains articles à 20 pour 100 de la valeur intrinsèque. Des droits aussi considérables ne tardèrent point à se trouver hors de proportion avec ceux que percevait la douane, et, malgré le taux énorme des tarifs d’importation, nombre d’objets d’origine étrangère coûtaient moins cher que les similaires de fabrication indigène. Quelques membres décidés de l’école protectioniste ont proposé, pour obvier à cette inégalité, d’augmenter tous les droits de douane en bloc de 50 pour 100 ; mais la majorité de la chambre, bien que peu sympathique aux théories du libre-échange, a reculé devant l’adoption d’une mesure aussi radicale. Mieux valait diminuer les impôts intérieurs. Le congrès se décida donc, à titre d’essai, à opérer des réductions qui naturellement furent conçues de manière à alléger le fardeau qui pesait sur les industries du, nord. On ne toucha guère aux taxes qui atteignaient les valeurs réalisées ou les objets de luxe.