Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/595

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
II.

Voyons en premier lieu les indications qui sont données sur l’histoire de quelques-unes des professions principales. Voici d’abord les charpentiers, et avec eux nous pouvons dire que nous nous trouvons transportés au-delà des origines de l’histoire. Les délégués des charpentiers ne reculent devant aucun obstacle pour établir l’antiquité de leur profession ; ils vont chercher pour ancêtre Tabal, petit-fils d’Adam, qui construisit les premières tentes en assemblant quelques pièces de bois. Passant ensuite au déluge, ils font observer que Noé n’était pas un charpentier médiocre, puisqu’il sut construire une arche capable de résister aux flots en furie. Les descendans de Noé, toujours au dire de nos historiographes, se partagèrent en corporations dont les unes s’occupaient de tailler et de poser la pierre, les autres de façonner le bois, d’autres encore d’ornementer les constructions. Chaque corporation avait d’ailleurs grand soin de tenir secrets les procédés qu’elle découvrait; chacune avait sa langue, ses signes, ses emblèmes, dont elle seule connaissait la valeur. C’est une particularité curieuse que le soin jaloux avec lequel les charpentiers font ainsi remonter à la plus haute antiquité leurs emblèmes professionnels. Chemin faisant, ils expliquent à leur manière les motifs qui firent échouer la construction de la tour de Babel : les travailleurs réunis dans la plaine de Sennaar pour ce grand ouvrage appartenaient à des écoles secrètes qui avaient toutes leurs hiéroglyphes spéciaux, leurs marques particulières, si bien qu’ils ne purent s’entendre pour les travaux, et que la dispersion générale des ouvriers s’ensuivit. Cette explication en vaut bien une autre, quoique nous ne voulions pas en certifier l’exactitude; mais que répondre aux délégués quand ils affirment qu’ils retrouvent sur les monumens de l’Egypte ancienne des emblèmes encore en usage parmi eux ? Aussi bien c’étaient de rudes charpentiers que les anciens Égyptiens. Avec des outils fort médiocres sans doute, ils firent des travaux considérables. Leurs échafaudages, leurs bateaux, devaient porter des blocs de marbre tirés du fond de l’Arabie et qui n’avaient pas moins de 10 mètres de long. Nos historiens trouvent d’ailleurs des titres d’aristocratie pour leur profession dans les dessins des pyramides. Les charpentiers s’y distinguent par un tablier qui les couvre depuis la ceinture jusqu’aux genoux, tandis que les autres ouvriers n’ont qu’une simple ceinture; or le bâton, signe du commandement, se trouve toujours dans la main d’un charpentier. Cette histoire se poursuit à travers les travaux des Juifs et des nations diverses qui occupèrent les