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qui sévit sur les magnaneries de la plupart des pays d’Europe ne tardera point à avoir un terme. Pour faire comprendre l’importance des problèmes soulevés par l’invasion du mal, nous devons indiquer quelles ont été jusqu’ici les conditions et l’étendue de la production séricicole, et avant tout dire un mot de l’insecte qui fournit la soie, de ses mœurs, des pratiques auxquelles l’élevage donne lieu. Nous rendrons compte ensuite des observations nombreuses qui ont été faites sur les maladies qui l’atteignent, des résultats auxquels ces études ont conduit. Nous exposerons enfin les tentatives qui ont eu pour but d’acclimater dans notre pays de nouvelles espèces de bombyx. Peut-être le grand trouble survenu dans une des branches de notre richesse nationale aura-t-il fait naître l’idée et les moyens de tirer parti de ressources inexploitées, et d’accroître en définitive, après l’avoir soumise à une terrible épreuve, la prospérité des industries qui ont la soie pour objet.


I.

La précieuse chenille qui sécrète la soie appartient à l’ordre des lépidoptères. Les insectes qui le composent passent tous par une série de métamorphoses, et se présentent successivement sous la forme d’œufs, de larves, de chrysalides, enfin de papillons. C’est dire que la plupart sont très nuisibles à l’agriculture, car certaines chenilles sont le fléau des arbres, d’autres exercent leurs ravages sur les plantes herbacées de la grande culture. Après leur dernière métamorphose toutefois, et quand ils sont devenus papillons, les lépidoptères peuvent être rangés parmi les plus inoffensifs et les plus gracieux représentans du règne entomologique. Malheureusement leur vie de chenille est beaucoup plus longue que leur vie de papillon. Ils ne prennent ces ailes brillantes et ce charmant aspect que pour voltiger quelques jours, perpétuer leur postérité, pondre leurs œufs et mourir, non sans avoir pris d’ingénieuses précautions pour assurer le développement des jeunes chenilles qui n’éclôront que longtemps après. C’est aux propriétés que ces insectes présentent pendant cette courte période de leur existence qu’est dû le nom de l’ordre entier. Le nom de lépidoptères est tiré de deux mots grecs qui signifient « écailles sur les ailes. » Les dessins variés et les riches couleurs que nous admirons sur les ailes des papillons sont en effet produits par une grande quantité d’écaillés microscopiques. Elles constituent la fine poussière qui s’attache aux doigts lorsqu’on prend un papillon. Ces écailles dentelées, échancrées ou arrondies, sont fixées sur la membrane incolore de l’aile