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florissantes établies tout autour de nos frontières. La situation commerciale de la France fut doublement compromise.

La sériciculture mit beaucoup de temps à se relever d’une atteinte aussi profonde. Dans ces dernières années, elle était enfin entrée dans une période brillante de succès. Un coup plus terrible que tous ceux qui l’avaient frappée jusqu’à présent est venu l’arrêter dans sa marche ascendante ; on a même pu craindre un moment qu’elle ne s’en relevât jamais : nous voulons parler des maladies endémiques spéciales qui ont tout à coup envahi les chambrées. Non-seulement elles font périr les chenilles au moment de la « montée, » c’est-à-dire lorsqu’elles se disposent à s’envelopper dans leur cocon soyeux, mais les germes morbides, s’attachant aux papillons, aux œufs non éclos, aux parois mêmes des murailles et aux ustensiles de la magnanerie, infectent d’avance les générations de chenilles qui ne sont pas encore écloses. En employant des œufs atteints du mal, on s’expose à voir à la fin de la campagne tous ses vers à soie périr au moment même où ils allaient commencer à filer, au moment où l’on comptait recueillir le fruit de ses dépenses et de ses fatigues. Pour faire apprécier l’importance de cette perte pour la France, il suffit de dire que la valeur des œufs qu’on fait éclore dans nos magnaneries ne s’élève pas annuellement à moins de 15 millions de francs, et que dans les bonnes années les vers à soie produisent pour 140 millions de francs de cocons bruts.


II.

Que sont donc ces maladies ? On en a compté trois distinctes, produites toutes les trois, du moins à ce qu’il semble, par une cause commune, par le développement d’une loi naturelle encore mal étudiée dans ses effets multiples, mais dont le principe commence à se laisser discerner. Cette loi tend à maintenir un rapport numérique à peu près constant entre les êtres animés et entre les végétaux répartis à la surface du globe. Elle s’oppose à ce qu’une espèce quelconque envahisse seule un espace restreint et en exclue toutes les autres. Quand une espèce animale ou végétale tend à prendre en un certain lieu une prédominance excessive, le milieu réagit contre cette sorte d’usurpation, et, sous l’influence des obstacles que le milieu oppose à ses empiétemens, l’espèce qui s’est multipliée trop vite ne tarde point à dépérir. Cette action du milieu se produit de bien des manières, mais elle se produit toujours. C’est elle qui maintient l’équilibre entre les diverses parties de la création, c’est elle qui empêche que l’homme ne le rompe sur un