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point donné au gré de ses caprices ou de ses besoins. Que l’on cultive pendant longtemps sur un terrain déterminé une seule plante, et l’on verra toutes les conditions défavorables à cette culture exclusive se manifester de plus en plus. Des parasites spéciaux, cryptogames ou insectes, feront leur apparition, le sol dans lequel cette végétation unique puisera toujours les mêmes principes finira par s’appauvrir et s’épuiser. Voilà pourquoi on recommande avec tant de soin de varier les assolemens. Il y a dans la seule accumulation d’êtres analogues une cause de dépérissement et de mort. Cet effet se révèle pour l’homme lui-même toutes les fois qu’on en entasse un trop grand nombre dans un espace circonscrit. Les armées, les ambulances, les entre-ponts des navires de transport, sont le siège de maladies particulières qu’on ne peut attribuer qu’à l’encombrement. Pendant les guerres de Crimée et d’Italie, il suffit de disséminer dans des tentes et des baraques bien aérées les malades dont regorgeaient des hôpitaux insuffisans, pour faire cesser les épidémies meurtrières qui les décimaient. Le microscope a révélé la manière dont agit cette loi générale. Quand il y a sur un point agglomération d’êtres de la même espèce, l’air ambiant devient très propice à certains parasites, et il s’y développe des êtres infiniment petits, microphytes ou microzoaires, qui attaquent les corps organisés. C’est ce qui est arrivé dans le règne végétal pour la pomme de terre, pour la vigne. Dans l’exemple cité plus haut, c’est ce qui s’était produit pour les hommes. C’est enfin, pour rentrer dans le sujet propre de cette étude, ce qui s’est passé pour le ver à soie.

La première maladie qui les atteignit, la muscardine, avait pour cause, les naturalistes sont aujourd’hui unanimes sur ce point, un végétal cryptogamique particulier, le botrytis bassiana, ainsi nommé du nom d’un savant italien, M. Bassi, qui l’a découvert. Les sporules du botrytis, répandues dans l’air des magnaneries, se déposent sur la chenille et y germent. Cette cryptogame enfonce dans le corps de l’insecte des radicelles ou un mycelium d’une grande ténuité, elle y pompe les principes organiques et minéraux qui lui sont nécessaires pour se développer, étend au dehors ses organes fructifères en élégantes efflorescences blanchâtres, répand dans l’air d’innombrables sporules qui vont s’implanter de même sur les chenilles voisines. L’insecte aux dépens duquel se nourrit cette végétation parasite ne tarde pas à mourir épuisé. La muscardine sévissait sur les magnaneries françaises de 1837 à 1842. Elle disparut ensuite presque complètement, et l’on doit attribuer cet heureux résultat moins à l’efficacité des méthodes, généralement assez insignifiantes, au moyen desquelles on essaya de la combattre, qu’à une sorte de décrois-