Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/639

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fléchir, il a infligé jusqu’à présent aux pays producteurs de soie des pertes dont les évaluations les plus modérées portent le total à plus de 2 milliards. Encore ne faisons-nous pas entrer dans ce calcul la Chine, bien qu’elle ait eu aussi certainement beaucoup à souffrir de la contagion. Seulement il nous est impossible d’apprécier même approximativement l’importance des ravages dans cet immense empire si mal connu. Un seul pays aura trouvé une source de richesse dans ce malheur général : c’est le Japon. Il a réalisé d’énormes bénéfices en même temps qu’il a rendu les plus grands services à la sériciculture européenne. On peut dire qu’il l’a sauvée. Sans les nombreux envois de graines qu’il a faites en Europe, nos magnaneries étaient irréparablement ruinées. Que seraient devenues alors les nombreuses et importantes industries qu’alimente la soie? L’état précaire où elles se trouvaient avait éveillé de tous côtés d’activés sollicitudes. Parmi les tentatives qui ont été faites pour parer à la disparition imminente du bombyx du mûrier, nous devons faire connaître les recherches entreprises par des savans, des voyageurs, des sériciculteurs, afin d’acclimater chez nous de nouvelles espèces de bombyx. Après des alternatives d’espérance et de déception, le résultat final de ces efforts laisse dans l’esprit quelque incertitude; cependant, si l’on ne peut citer nulle part un succès éclatant, on n’est pas moins amené à se dire, en examinant les choses de près, que le chemin fait en peu de temps est considérable, que les questions les plus épineuses du problème ont reçu une solution satisfaisante, et que celles qui sont encore obscures ne demandent que de la persévérance pour être résolues à leur tour.

On savait qu’à Madagascar, au Japon, dans l’Inde, en Chine, on élevait depuis longtemps plusieurs bombyx du genre attacus. On savait aussi que les habitans de ces contrées récoltaient les cocons de chenilles vivant à l’état sauvage et parvenaient à les filer. Beaucoup de tissus de l’Inde sont fabriqués avec ces soies. Ils n’ont ni l’éclat ni la finesse de ceux que permet de faire la soie du bombyx mori ; ils ne laissent pas toutefois d’être estimés, même en Europe. Au siècle dernier, des missionnaires français en Chine, entre autres le père d’Incarville, avaient fait connaître le parti qu’on pouvait tirer de la chenille qui vit sur l’allante; certaines chenilles du chêne donnaient également en Chine de volumineux cocons qu’on recueillait sur les arbres mêmes. En 1804, le docteur Roxburg avait signalé à l’attention publique une soie désignée au Bengale sous le nom de tusseh, et fournie par le bombyx militta. C’est de cette soie que sont faits les vêtemens des brahmanes. On élève dans les districts de Rungepore et de Dinagepore un bombyx, l’arrindy, qui se