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fait à ces pauvres chenilles de l’allante une rude guerre. Il paraît qu’elles sont pour lui, surtout les jeunes, un manger des plus délicats, et il met à leur donner la chasse un acharnement très vif. Ce ne serait point là un bien sérieux embarras, on aurait vite fait de réduire les moineaux ; mais cette soie se répand lentement par suite de difficultés d’un autre ordre et plus graves : elle est fort inférieure, comme qualité, à celle du bombyx du mûrier. Les cocons recueillis sur l’allante ne se dévident pas facilement dans l’eau bouillante ; il faut employer une dissolution alcaline pour ramollir le vernis adhésif qui les recouvre. L’alcali ne le ramollit pas seulement, il le détruit ; on ne peut donc point obtenir de soie grège ni réunir plusieurs fils dans le dévidage. C’est toute une industrie à créer, et on se trouve par conséquent dans la situation fausse des producteurs d’une marchandise nouvelle : d’une part ces tissus ne trouveront des consommateurs que lorsque les conditions de fabrication et de prix seront avantageuses, de l’autre il faut pour cela que l’outillage se perfectionne et que les usines se multiplient, ce qui n’arrivera qu’à la suite du développement de la consommation. Les progrès de la sériciculture ont été paralysés jusqu’au règne d’Henri IV par des causes analogues. Elle a fini par prendre le dessus. L’ailanticulture paraît avoir en elle des élémens de prospérité suffisans pour parvenir à triompher aussi de ces embarras inévitables ; mais ce sont les bombyx du chêne qui semblent devoir donner surtout des résultats concluans.

On remarquait à l’exposition de 1867 de fort beaux cocons des vers à soie du chêne du Japon présentés par M. Personnat, à qui l’on doit un écrit fort instructif sur cette chenille japonaise. Ces cocons avaient été récoltés en France, ils étaient le témoignage d’efforts persévérans pour doter notre pays d’un insecte précieux, et méritaient à tous les titres une sérieuse attention. Verdâtres à l’extérieur, blancs à l’intérieur, ils étaient formés d’une soie forte, d’aspect brillant, et qui rappelait la soie ordinaire ; ils pesaient deux ou trois fois plus que ceux de la chenille du mûrier. Ces cocons avaient été filés par un bombyx, l’attacus yama-maï, qu’on élève au Japon depuis des siècles, et qui vit sur le chêne, de préférence sur le chêne blanc et deux autres variétés. Les Japonais attachaient un tel prix à la possession exclusive du yama-maï, qu’une loi prononçait la peine de mort contre quiconque livrerait des œufs à des étrangers. Il paraît que dans le pays dont elles sont originaires ces chenilles sont d’abord nourries à l’intérieur des magnaneries avec des feuilles cueillies à la main ; puis, quand elles sont assez fortes pour résister aux intempéries et aux ennemis nombreux qui les poursuivent, on les met en liberté sur les chênes. Elles achèvent de s’y dé-