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les produit, et que par conséquent la méthode la plus rigoureuse les conduisait à concevoir Dieu comme immanent dans l’univers. Les Sémites ne purent s’élever jusque-là, parce que cette race d’hommes, à laquelle manque en partie la puissance d’analyse, n’a jamais pu suivre une méthode dans ses conceptions, et, tout en paraissant exalter la puissance divine, n’a jamais pu franchir l’anthropomorphisme. Le Dieu des premiers chrétiens ne ressemblait point à celui des Sémites ni au Javeh des fils d’Israël : sa nature était beaucoup plus métaphysique, sinon la théorie du Christ et de sa double nature eût été absolument impossible. Plus tard, les docteurs latins et les philosophes de l’Occident se rapprochèrent de la doctrine judaïque en donnant au dogme de la création une portée qu’il n’avait pas eue chez les Aryas de l’Asie. Ils ne virent pas que, s’il est facile d’imaginer dans la solitude de son palais un Allah séparé du monde et exerçant sur les choses une puissance souveraine et irrésistible, il est moins aisé de concevoir l’Être absolu faisant de rien quelque chose, puisque le rien n’est représenté dans notre esprit par aucune idée. La création, telle que la comprenaient les Indiens et les Perses, était une production dans le sens latin de ce mot, c’est-à-dire un acte par lequel l’agent universel du monde faisait apparaître et disparaître tour à tour les formes des choses. L’acte humain, qui, lui aussi, a la vertu de produire des formes, mais qui ne va pas jusqu’à la création d’une substance, pouvait servir de type ou au moins de point de départ à l’idée qu’on se faisait de la production du monde, et ainsi l’Arya demeurait jusqu’au bout fidèle à sa méthode. La force d’esprit de nos ancêtres, telle qu’on la voit à l’œuvre dans les livres sacrés de l’Asie centrale, les place à une grande distance au-dessus des autres peuples. Autant les livres de la Bible, principalement les plus anciens, sont dépourvus de métaphysique et par conséquent de méthode et de classement dans les idées, autant les chantres sacrés de l’Asie conduisent les leurs avec ordre, avec clarté et circonspection, sans toutefois se défendre de ces élans de joie qu’éprouve toute âme humaine quand la vérité lui apparaît.

Si telle fut la méthode dont l’application engendra la théorie religieuse des peuples aryens, théorie qu’ils ont poussée jusqu’au bout et dont ils nous ont transmis toutes les formules, rien ne s’oppose à ce que d’autres peuples aient tenté la même chose, et que chacun d’eux sans le secours des autres se soit fait à lui-même une religion. C’est en effet ce que nous constatons encore aujourd’hui. Il existe chez des hommes de race très infime, confinés dans des lieux écartés, loin du commerce des autres nations, des religions entièrement dépourvues de métaphysique et dont le féti-