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théorie explique les ressemblances des êtres considérés soit dans leurs formes physiques, dont l’unité de dessin frappe les yeux les moins exercés, soit dans leurs fonctions intellectuelles, dont une seule, la raison, est identique en tous ceux qui la possèdent. En résumé, l’univers ainsi conçu se présente comme un tout harmonique dont un être unique et éternel anime toutes les parties et engendre toutes les lois.

On peut, si l’on veut, donner à cette doctrine le nom de panthéisme. Observons cependant que c’est là un mot barbare, qui n’a jamais été employé par les Grecs, qui n’a son correspondant ni dans le sanscrit, ni dans le zend. Ce mot a la mauvaise fortune de sonner mal à certaines oreilles et d’effrayer les esprits timides ou prévenus; il en est de lui comme du mot république, qui épouvante beaucoup de gens, quoique le gouvernement d’un peuple par lui-même se soit vu plus d’une fois dans l’histoire et n’ait pas été plus mauvais qu’un autre. Si nous employons le mot panthéisme, tout mal formé qu’il est, c’est en lui enlevant tout l’odieux dont on a cherché à l’entourer, c’est dans la conviction que les doctrines indo-perses ne le cèdent à aucune autre, et ont de beaucoup surpassé toutes celles que les peuples avaient conçues auparavant.

Lorsque les Grecs commencèrent à philosopher, on sait qu’ils se jetèrent tout d’abord dans la métaphysique, et construisirent des systèmes physiques ou idéaux dans lesquels ils proposèrent un élément de leur choix comme substance universelle des êtres; mais la science ne peut pas marcher si vite. Dès l’époque de Périclès, les hommes des temps nouveaux qu’on a nommés sophistes et Socrate lui-même faisaient table rase de ces hypothèses précipitées; la méthode s’introduisait, et, tandis que les sectes mystiques continuaient la tradition de dogmes secrets et orientaux, l’observation, la discussion et l’analyse des faits occupaient les esprits indépendans; la science s’élaborait. Platon, avec un génie supérieur et sans doute aussi par quelque inspiration venue d’Asie, proposa un système qu’il est difficile de nommer panthéisme, et où pourtant il affirme l’unité de la substance, la nature métaphysique de la matière, sa réduction à une mâyâ éternelle, la périodicité des phénomènes du monde, et ces grandes lois qui, sous des expressions et des figures symboliques, se rencontraient dans les doctrines de l’Orient. Le système d’Aristote, qui vint après, sembla une réaction contre le platonisme. Au fond, ce savant ne faisait que ramener les esprits à la prudence; il proclamait comme une nécessité absolue l’observation des faits, et il préparait les matériaux de la science qui devait grandir après lui.

On vit en effet pendant les huit siècles que dura la science