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sique. La force des choses conduit la psychologie contemporaine à résoudre le problème à son tour : ainsi nous avons assisté tout récemment encore à cette discussion sur l’animisme où la victoire semble être restée à ceux qui ont défendu l’unité du principe de la vie et de la pensée. C’est à cette même conclusion qu’aboutissent en effet toutes les études physiologiques : si la cellule est la forme élémentaire de l’être vivant, le principe de vie qu’elle renferme ne peut se développer qu’autant que la forme à laquelle il doit parvenir réside déjà en elle à l’état d’idée[1]. Cette idée grandit avec la vie et se diversifie avec elle, s’accommodant avec les milieux et les conditions que l’ordre général de l’univers lui impose. Par cette voie, l’étude de l’âme tend aussi vers l’unité; mais cette partie de la psychologie, ébauchée par les Aryas dans la théorie d’Agni, puis tentée par les Hellènes, n’a pas encore été traitée par la philosophie moderne, au moins d’une manière qui puisse être qualifiée de scientifique. Elle ne fait que d’entrer aujourd’hui dans cette carrière nouvelle, et déjà l’on aperçoit de loin l’unité où elle doit un jour aboutir.

Elle y arrive d’une autre manière par la théorie de la raison impersonnelle. Toutes les écoles non sceptiques et tous les hommes de science reconnaissent aujourd’hui que dans la pensée humaine il y a une faculté de concevoir les vérités absolues, dont les mathématiques ne sont qu’une portion. Les esprits s’accordent sans discussion sur ces vérités; sur tout le reste, ils se séparent jusqu’au jour où les objets de la discussion se trouvent ramenés à quelque vérité absolue : cette réduction constitue la science. Quand la science est faite, elle n’appartient à personne, elle est le terrain commun où tous les esprits viennent se mettre d’accord. Si tous les faits d’observation étaient ramenés aux vérités absolues et rangés dans le domaine de la science, il n’y aurait plus aucune diversité entre les opinions, toute discussion serait terminée. La raison est donc le principe d’unité entre tous les hommes. De plus la psychologie a démontré que c’est par l’effet des vérités absolues que nous attribuons quelque vérité à nos autres conceptions : plus ces vérités s’offrent à nous sous une forme analytique, plus ces conceptions s’éclaircissent et se rectifient. L’Arya parfait est capable de beaucoup de science, et sa science est progressive; le Sémite lui est inférieur, les autres races d’hommes sont inférieures au Sémite: l’animal le plus élevé, le singe, est au-dessous du dernier des hommes, et ainsi de suite à mesure que l’on descend l’échelle de la vie. Néanmoins la raison est à tous les degrés, parce que sans elle toute pensée est impossible, et que la pensée est parallèle à la vie.

  1. Voyez dans la Revue les articles de M. Claude Bernard.