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besogne ne dut pas leur manquer, nous avons des congrès libres et volontaires se réunissant un peu partout, excepté en France, allant de Genève à Bruxelles ou de Bruxelles à Berne. Nous avons la saison des congrès ; c’est une session comme une autre et qui ne manque pas d’intérêt.

Que des représentans des ouvriers de tous les pays se réunissent, comme ils viennent de le faire à Bruxelles, pour discuter leurs intérêts, pour exposer leurs griefs et chercher en commun les moyens d’améliorer leur condition, que d’un autre côté des hommes de bonne volonté se rassemblent, comme on vient de le voir à lierne, pour trouver la : secret de la paix universelle, sans parler de tous les autres secrets qui ont été cherchés dans cette réunion avec un égal succès, c’est là en définitive l’usage le plus simple et le plus légitime d’un droit, et même il est bon que ce droit soit exercé, il est utile que toutes les idées qui fermentent obscurément dans les intelligences se produisent au grand jour, qu’elles subissent l’épreuve de la discussion publique. Malheureusement il y a un danger auquel n’échappent pas toujours ces orateurs de congrès populaires, surtout ceux qui se donnent comme les représentans des ouvriers, c’est le danger de compromettre les intérêts qu’ils veulent servir en les rattachant à des théories qu’ils croient quelquefois bien neuves lorsqu’elles ne sont que surannées ou chimériques. Nous ne confondons pas le congrès de Bruxelles et le congres de Berne. Dans ce dernier, à côté d’excentricités communistes qui ont essayé de se faire jour, des opinions sérieuses et élevées se sont produites, la liberté a trouvé des défenseurs, un certain ton de modération libérale a visiblement dominé, même dans l’expression des idées radicales. Quant à l’Association internationale des travailleurs de Bruxelles, si elle n’a pas renouvelé le monde en quelques jours, ce n’est pas sa faute, elle y a mis toute sa bonne volonté. Les réformateurs de Bruxelles ont rédigé en quelques résolutions tout un code d’économie sociale qui n’est pas précisément nouveau, et dont le premier inconvénient serait sans doute d’atteindre les ouvriers eux-mêmes dans leurs intérêts sans relever leur condition, transformer le salariat, abolir l’intérêt du capital, faire passer le capital dans la main des ouvriers, établir le communisme sous le nom de propriété collective, organiser par la grève la guerre au patron, diminuer le nombre des heures de travail sans diminuer, bien entendu, la rémunération, n’admettre les machines dans l’industrie que moyennant compensation pour les ouvriers, tout cela s’est étalé avec cette assurance sérieuse et imperturbable que mille réfutations ne déconcertent jamais. L’erreur de ceux qui parlent ainsi pour les ouvriers est de croire qu’il suffit d’une formule pour changer la nature des choses, que le salaire, en changeant de nom, cesse d’être le salaire, qu’on peut trancher ainsi d’autorité toutes ces questions aussi délicates que complexes du travail, du crédit, du capital. Leur erreur plus grande encore est de ne pas voir que c’est dans la liberté seule-