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dessinés, des pavillons, des jets d’eau, des arbres et des fleurs; ce qu’il faut surtout, c’est le choix de ces élémens, l’assortiment raisonné, l’heureuse entente des harmonies et des contrastes, des proportions et des perspectives. Qui ne comprend quelles différences doivent exister, par exemple, entre un jardin de Perse ou d’Egypte et un jardin de France ou d’Angleterre? Tandis que celui-ci, fait pour la promenade, nécessite de larges allées, le long desquelles des objets d’art savamment espacés s’offriront successivement au regard, où des massifs de verdure créeront ces alternatives d’ombre et de soleil qu’aime l’habitant des climats tempérés, dans un jardin d’Orient au contraire, on devra trouver des allées entièrement couvertes et de nombreuses stations d’où le promeneur indolent pourra d’un coup d’œil embrasser parterres de fleurs, bassins et lointaines perspectives. Dans le premier cas, c’est le promeneur qui ira chercher le jardin, dans le second, c’est au contraire le jardin qui en quelque sorte vient au-devant du promeneur, l’enserre, l’enveloppe, l’oblige à s’asseoir et multiplie autour de lui ses enchantemens.

On comprend quelle diversité de types a dû sortir d’un ensemble aussi compliqué de considérations. Cette diversité est si grande que l’on a été contraint d’établir une sorte de classification des genres horticoles. Le genre géométrique et le genre pittoresque forment les deux grandes divisions qui se subdivisent en styles divers, désignés d’après les noms des peuples qui leur ont donné naissance. Au premier appartiennent les styles babylonien ou arabe, italien, français et hollandais; au second se rattache le style chinois, dont le style anglais n’est manifestement qu’une dérivation. Naturellement genres et styles se sont souvent modifiés, combinés ou altérés, mais il faut, si l’on veut éviter la confusion, ramener à l’un ou à l’autre de ces types les différens spécimens de l’art horticole paysagiste.

Cet art a pris une très grande extension. L’histoire qui nous en fait connaître les développemens successifs est curieuse et fort instructive, et c’est cette histoire que nous raconte M. Arthur Mangin dans un beau volume où l’intérêt du texte est doublé par celui qu’y ajoutent les nombreux dessins de main de maîtres. Il est évident que nous ne pouvons ici suivre l’auteur dans toutes les descriptions dont son ouvrage est rempli. Jardins merveilleux ou légendaires, paradis de l’Assyrie, de la Perse et de l’Egypte, jardins primitifs de la Grèce, villas somptueuses de l’ancienne Italie, vergers, préaux et courtils du moyen âge, tous sont passés en revue, depuis le modeste jardinet d’Alcinoüs, jusqu’aux parcs immenses et merveilleux de l’antique terre de Yucatan, les vergers de l’Inca, ou jardins aux fleurs d’or et ces gracieux chinampas du Nouveau-Mexique, sortes de jardins flottans qui errent sur les lacs, remontent les canaux, pénètrent jusque dans l’intérieur des villes, ar-