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l’Elbe. Clam-Gallas réunit donc ses troupes sur l’Iser, autour de Munchengrætz, ne laissant au nord que la brigade Poschacher pour garder la route de Reichenberg. Ainsi, par suite de la méprise du maréchal Benedek, Clam-Gallas allait se trouver isolé, avec 60,000 hommes seulement, en face de deux armées qui formaient un total de 140,000 hommes. Voici en effet quel était le plan des Prussiens, dont la conception est attribuée au chef d’état-major-général de Moltke, qui en dirigea l’exécution.

Il fut décidé que les trois armées envahiraient à la fois la Bohême par le nord-ouest et par le nord-est, et avanceraient en se resserrant toujours. La première armée et l’armée de l’Elbe devaient atteindre l’Iser, et la deuxième armée la rive droite de l’Elbe supérieur, en dirigeant sur Gitschin et Kœniginhof leurs marches convergentes, pour de là opérer de concert sur Vienne par Pardubitz et Brunn. Le rôle le plus difficile incombait ainsi à la seconde armée, qui allait avoir à franchir les défilés de la Silésie et à supporter tout l’effort des Autrichiens. Cette armée dut en conséquence s’ébranler la dernière et lorsque les deux autres seraient déjà entrées en Bohême.

Le 23 et le 24 juin, l’armée de l’Elbe et l’armée du prince Frédéric-Charles traversèrent sans être inquiétées les parties difficiles de la route; elles se dirigeaient sur Munchengrætz, l’une par Gabel, l’autre par Reichenberg. La division Horn, qui formait l’avant-garde du prince Frédéric-Charles, rencontra les Autrichiens le 25 à Liebenau. Après un combat d’artillerie, ceux-ci se retirèrent sur Podol. Il n’y avait, ainsi qu’on l’a dit plus haut, pour défendre ce point de passage important sur l’Iser, que la brigade Poschacher, dite brigade de fer. Elle se barricada dans le village. Les Prussiens l’y attaquèrent dans la nuit du 26 au 27. Après trois heures de lutte acharnée, les Autrichiens durent céder, et ils se replièrent en bon ordre sur Munchengrætz. Ce fut dans ce combat que l’on se rendit bien compte pour la première fois des terribles effets du fusil à aiguille. On n’y avait pas pris garde en Danemark; depuis, l’opinion y attacha sans doute trop d’importance. Il est certain néanmoins que cet engin de guerre eut dans la campagne de Bohême une influence considérable. Il était inférieur pour la précision et la portée aux fusils autrichiens, mais à courte distance il reprenait tous ses avantages. Tirant cinq coups pour un de leurs adversaires, les Prussiens virent ainsi presque partout leurs forces quintuplées en réalité. Rien ne fut tenté pour paralyser l’action de cette arme meurtrière; la tactique adoptée par les Autrichiens en assurait au contraire l’efficacité. Ils attaquaient à la baïonnette, en masses serrées et profondes, d’un élan ferme et impétueux. Cette disposition mauvaise,