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dans le nouveau et non dans l’Ancien-Testament. Channing en est l’apôtre, tandis que Parker en est surtout le docteur. En France, où le culte de la Bible hébraïque n’a jamais été bien fervent dans nos sociétés religieuses, le travail des adeptes du christianisme libéral consiste moins à détacher la pure doctrine du Christ des liens qui l’enchaînent à la tradition biblique qu’à la dégager des mystères théologiques dont le symbole de Nicée est la formule. Tel est le caractère du mouvement religieux dont MM. Michel Nicolas, Reuss, Colani, Athanase Coquerel, Fontanès, sont les organes les plus savans ou les plus éloquens. Il faut dire du reste que la métaphysique religieuse des pères alexandrins n’a jamais été du goût des sociétés protestantes depuis les premiers temps de la réforme jusqu’à nos jours. En Allemagne même, où le génie spéculatif lui est resté fidèle, elle commence à partager le discrédit général qui s’attache à toute spéculation de ce genre, et la théologie allemande elle-même, sur les traces de Kant et de Fichte, commence à entrer dans les voies du christianisme libéral, en laissant là le dogmatisme métaphysique, et en se fondant exclusivement sur le sentiment chrétien, dont l’Évangile est l’idéale expression.

Trois raisons décisives ont concouru à cette radicale révolution qui s’opère au sein du christianisme protestant. La première et la plus puissante est la nécessité de s’entendre et de se réunir dans cette grande société religieuse disséminée en sectes innombrables. Le protestantisme n’ayant point, comme le catholicisme, une autorité toujours présente et toujours active pour veiller à la conservation du dogme et pour maintenir par une sévère discipline l’unité du symbole, le texte sacré ne pouvait plus être un principe d’unité suffisant, vu les obscurités, les contradictions, les mystères où se perdait l’esprit des croyans, rendu par la réforme au libre exercice de sa raison. On le vit bientôt par la prompte naissance et la rapide propagation des sectes qui s’attachaient les unes à l’Ancien-Testament, les autres au nouveau, celles-ci à la théologie, celles-là à la morale chrétienne, d’autres au mysticisme de l’Évangile de saint Jean, d’autres à la grande métaphysique des pères grecs résumée dans le symbole de Nicée. Comment arrêter les progrès toujours croissans de la division qui menace de réduire le protestantisme en poussière? Comment surtout revenir à l’unité? C’est ici que les directeurs de la société protestante se sont partagés partout en deux camps, le parti conservateur et le parti libéral. Le premier, plus fidèle à la tradition qu’à l’esprit de la réforme, s’en remet à l’autorité des consistoires, qu’il érige en véritables conciles chargés de maintenir l’intégrité du dogme traditionnel. Le second au contraire, plus fidèle à l’esprit qu’à la tradition, veut qu’on livre à la raison et à la conscience individuelles l’interprétation et l’explication des