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frapperait tous les esprits. De plus l’ambition de van Lennep n’était pas purement littéraire. Il se flattait de populariser l’histoire nationale en en rattachant à d’ingénieuses fictions les périodes successives. Je sais bien qu’on peut toujours déplorer les blessures inévitablement portées par cette méthode à la véritable histoire; mais enfin ne vaut-il pas mieux que la masse de la population, qui ne lit pas les livres savans, connaisse en gros l’histoire de son pays, sache à peu près comment ses ancêtres vivaient, les vicissitudes qu’ils ont traversées, les leçons que le passé contient, plutôt qu’elle ignore entièrement tout cela? Contentons-nous des à peu près quand la perfection est inaccessible, permettons au roman de se faire histoire quand il a ses raisons pour cela; seulement ne laissons jamais l’histoire devenir roman,

La première de ces nouvelles historiques réunies sous le titre commun de Nos Ancêtres remonte jusqu’aux temps obscurs où les Bataves commencent à nouer des relations plus ou moins volontaires avec le monde romain, et acceptent l’alliance que leur offre Jules César. De même que dix-huit siècles plus tard, et en face d’un autre empire, cette alliance ne tarde point à dégénérer en sujétion du peuple plus faible, et Brinio, c’est ainsi que s’intitule la seconde et la plus remarquable de ces compositions érudites, raconte le conflit qui éclate dès la seconde moitié du Ier siècle entre les populations opprimées et leurs oppresseurs. Le contraste entre l’honnête simplicité des Bataves encore à demi barbares et le raffinement des Romains du temps de Vitellius et de Vespasien jette un grand charme sur ce récit. C’est un genre d’intérêt analogue, bien qu’en sens inverse, à celui qui relevait si bien ce fantastique et joli roman de Callirhoé que M. Maurice Sand a publié ici même il y a quelques années. Le romancier français, tout en racontant une histoire de nos jours, montrait dans une perspective lointaine le mystérieux parallèle de son histoire au fond des forêts de la vieille Gaule. L’auteur hollandais, sous le revêtement antique, laisse entrevoir des formes, des mouvemens, des caractères, qui n’auraient qu’à paraître au grand jour pour être tout à fait modernes. Il y a dans Brinio des personnages d’officier, de cantinière, de vieux troupier, qui ressemblent singulièrement et pourtant très naturellement aux types de même genre que les guerres de l’empire ont engendrés. — Viennent ensuite des récits du temps de la résidence à Lutèce de Julien et de l’invasion des Quades dans le pays batave, puis de l’invasion saxonne et des premières semailles de la foi chrétienne, ensuite le récit quelque peu légendaire de la fondation du podestat de Frise par Charlemagne, un autre, fort intéressant, intitulé l’Enfant de choeur, dont la scène se passe au temps de la domina-