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valles, comme il arrivait précédemment, ne fit qu’augmenter, celui de la Banque de France surtout. Au milieu de 1865, au 6 juillet, il était monté à 521 millions, en 1866 à 781; en 1867, il atteignait le fameux milliard, et enfin dans l’année présente il oscille entre 12 et 1,300 millions sans que rien puisse le diminuer sérieusement, ni les approvisionnemens de céréales que nous avons dû opérer deux années de suite pour faire face à l’insuffisance de la récolte, ni l’acquisition des matières premières pour notre industrie, ni même les dépenses occasionnées par nos préparatifs belliqueux. Sous l’influence de ce fait qui a exercé et exerce encore toutes les imaginations, l’attention est revenue à la question de la monnaie; on s’est demandé de nouveau si nous n’étions pas arrivés au moment où la production des mines, après avoir rempli tous les vides, satisfait tous les besoins, allait déborder et amener une dépréciation sérieuse de la monnaie. On s’est rappelé ce qui s’était passé après la découverte de l’Amérique. De 1492 à 1530, malgré l’abondance relative des métaux précieux qu’on trouva dès les premiers momens au Nouveau-Monde, il n’y eut pas de changement appréciable dans le prix des choses, — la monnaie garda toute sa valeur; — mais à partir de 1530 la dépréciation fit des progrès rapides, et au bout d’un siècle suivant les uns, de trois quarts de siècle suivant les autres, la révolution était accomplie : la valeur des métaux précieux était trois ou quatre fois moindre, c’est-à-dire que la marchandise qui s’échangeait en 1492 et encore en 1530 contre un certain poids d’argent en obtenait le triple ou le quadruple en 1620 ou en 1630. Serions-nous comme en 1530 au début d’une nouvelle révolution monétaire, et venons-nous de traverser la phase intérimaire pendant laquelle les métaux précieux, quelque abondans qu’ils soient, trouvent d’abord leur emploi? La production commence-t-elle à être sérieusement en excès, et est-ce à elle qu’il faut attribuer la pléthore excessive de tous les encaisses métalliques des principaux établissemens financiers? Telles sont les questions qu’on se pose aujourd’hui, et que nous voulons examiner, sans prétendre à leur donner une solution pratique, car il est bien évident que, la dépréciation des métaux précieux fût-elle réelle, il serait impossible de l’empêcher. Toutefois il serait bon au moins d’en être averti afin de savoir à quoi s’en tenir sur certains faits économiques que l’on constate sans se rendre compte des motifs qui les amènent.