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production antérieure avait été ou enfoui pendant la période barbare, ou détruit. On ne trouva pas immédiatement en Amérique les richesses en métaux précieux qu’on devait y rencontrer par la suite. Cependant dès les premiers momens on en exporta beaucoup d’or qui vint enrichir particulièrement l’Espagne. On se rappelle les fameux galions qui firent alors l’admiration du monde ; un peu plus tard, de 1520 à 1530, lorsque Fernand Cortez se fut emparé du Mexique et Pizarre du Pérou, le rendement augmenta sensiblement ; mais il n’eut tout son éclat que lorsqu’on eut découvert par hasard, comme cela arrive presque toujours, les fameuses mines d’argent du Potosi. Alors l’exploitation des mines eut lieu sur la plus large échelle, et l’Europe fut bientôt inondée des métaux qui en sortirent. M. Jacob estime que dans le cours du XVIe siècle la production des métaux précieux a dû être de 3 milliards 615 millions. On varie sur ce qu’était le pouvoir de la monnaie à l’époque de la découverte de l’Amérique, comparé à celui qu’il avait au moment de l’exploitation des mines de Californie et d’Australie. Les uns le calculent comme de 11 à 1, les autres comme de 7 ou 8 à 1, d’autres de 6 à 1, Cette dernière supposition est celle de M. Newmarch dans son Histoire des prix, c’est aussi celle de Léber dans son Histoire de la fortune privée au moyen âge, elle paraît la plus accréditée. En 1492 donc, il fallait six fois moins de numéraire qu’en 1848 pour acheter les mêmes choses. Ceci s’applique, bien entendu, aux objets dont la valeur a pu conserver à travers les siècles une certaine fixité, et ces objets sont plus rares qu’on ne se l’imagine. Il ne faut pas se dissimuler en effet que malgré la dépréciation de la monnaie il y a aujourd’hui, grâce aux progrès de l’industrie, beaucoup de produits qui sont à meilleur marché qu’au XVe siècle, notamment tout ce qui tient au vêtement et au comfortable de la vie. On s’habille moins chèrement qu’à la fin du XVe siècle, on voyage à moins de frais et beaucoup mieux, et quand on dit, en s’appuyant sur cette dépréciation, qu’il faudrait à un seigneur de ce temps un revenu cinq ou six fois plus élevé pour vivre maintenant comme il vivait alors, on se trompe étrangement ; on vivrait beaucoup mieux, on se procurerait toute sorte de jouissances qui n’existaient pas ou qui n’étaient accessibles qu’au très petit nombre.

En adoptant le prix du blé comme élément de comparaison, on admet généralement que le pouvoir de la monnaie n’a commencé à diminuer qu’à partir du premier quart du XVIe siècle ; s’il était de 4 dans le deuxième quart, il descendit à 3 dans le troisième, et enfin dans les dernières années du siècle et jusque vers 1620 il continua de diminuer, arriva au taux de 2, où il serait resté invariable jusqu’à la révolution de 1789. Quelques personnes