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n’est pas facile de saisir quelques années d’éclaircie? On n’en peut rien conclure de précis quant à la valeur des métaux précieux.

Il est évident que le prix de certaines choses s’est élevé sensiblement depuis 1848. On paie aujourd’hui la viande, les légumes, le vin et la plupart des denrées alimentaires beaucoup plus cher qu’à cette époque, plus cher aussi les choses de luxe et certaines matières premières nécessaires à l’industrie; le prix de la main-d’œuvre, les salaires également se sont beaucoup élevés. On reconnaîtra d’autre part que tous les produits n’ont pas subi cette augmentation; il y en a même qui sont aujourd’hui encore aux mêmes prix qu’en 1848. Si on prend le blé par exemple, et ai dans la période de vingt ans qui vient de s’écouler on écarte les années de disette, on le trouvera en moyenne à 18, à 20 francs l’hectolitre; il était même descendu à 15 et 16 francs en 1864 et 1865, lorsque l’agriculture se plaignait si amèrement et sollicitait une enquête sur ses maux[1]. La même stagnation a eu lieu pour la laine et pour d’autres denrées. On paie le sucre moins cher qu’avant 1848, et quant à la plupart des denrées coloniales, telles que le café, le chocolat, le thé, bien que la consommation s’en soit accrue dans des proportions considérables, le prix s’en est fort peu élevé. Enfin le prix des objets manufacturés en général a plutôt baissé qu’augmenté. Le fer est sensiblement au-dessous de sa valeur d’avant 1848, et on peut aujourd’hui s’habiller à meilleur marché qu’il y a vingt ans. Que faut-il en conclure? Que la cherté de certaines choses tient à une autre cause que la dépréciation de la monnaie. Elle tient au développement de la richesse publique, qui a changé la situation de chacun et augmenté la consommation générale. Là où la production a pu marcher de pair avec la consommation, les prix ont peu varié; ils ne se sont élevés que là où elle est restée de beaucoup en arrière. Ils ont peu varié pour le blé, parce que, grâce aux progrès de l’agriculture, on a pu en produire en quantité toujours à peu près suffisante pour répondre à tous les besoins, et que d’ailleurs la consommation de cette denrée ne peut pas s’étendre indéfiniment. On ne mange pas beaucoup plus de pain parce qu’on est plus riche. La laine aussi, à cause des importations de l’étranger et notamment de celles de l’Australie, s’est tenue à peu près au niveau des besoins. De là la stagnation du prix. Quant au sucre, la fabrication indigène a fait des progrès qui se sont traduits naturellement par une diminution des frais de revient. Il en est de même de tous les objets manufacturés; on en consomme beaucoup

  1. Voyez la circulaire du ministre de l’agriculture et du commerce, en date du 5 juillet 1865, sur la crise agricole.