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avec beaucoup plus de rapidité qu’autrefois. Ils marchent, qu’on me pardonne l’expression, à la vapeur, et comme les besoins de l’homme peuvent s’étendre indéfiniment, il y a un champ immense pour l’emploi des métaux précieux.

L’Economist anglais, faisant un tableau du développement des affaires en Angleterre pendant vingt-deux ans, de 1843 à 1865, constatait qu’on consommait par tête en 1865 41 livres 1/10e de sucre, 3 livres 3/10e de thé, 3 livres 6/10e de riz, contre 16 livres 5/10e de sucre, 1 livre 5/10e de thé et 1 livre de riz en 1843, c’est-à-dire que la consommation avait presque triplé. Le développement du commerce extérieur, par tête également, était représenté par 108 contre 38, et comme il fallait en outre tenir compte de l’accroissement de la population, qui, selon la progression moyenne de l’Angleterre, avait dû être d’environ un tiers dans le même espace de temps, il en résultait que le progrès définitif en vingt-deux ans se traduisait par un accroissement de produits de 400 pour 100. Appliquons ce calcul à l’avenir en le réduisant de beaucoup. Supposons que pendant les soixante ans qui vont s’écouler avant que nous ayons doublé notre stock métallique le progrès ne soit que ce qu’il a été en Angleterre en vingt-deux ans, si nous y ajoutons la part à faire à l’augmentation de la population, que nous n’évaluerons encore qu’à 50 pour 100, bien que la période moyenne de doublement soit pour l’Europe et l’Amérique de moins de quatre-vingts ans, nous voilà à un chiffre d’affaires de 450 pour 100 supérieur à ce qu’il est à présent, et nous aurons, pour y faire face, le double de numéraire. L’industrie et les arts aussi, par suite du progrès de la richesse, en absorberont davantage; ils peuvent en prendre 200 millions par exemple au lieu de 100 qu’ils consomment aujourd’hui.

Tous ces chiffres indiquent qu’on sera dans la nécessité de recourir plus que jamais aux moyens de crédit; seulement, en admettant que par ces moyens l’on puisse suppléer dans une certaine mesure à l’insuffisance du numéraire, nous n’allons pas jusqu’à supposer, comme le rêvent quelques personnes, qu’on puisse un jour s’en passer. Nous croyons au contraire qu’il en faudra d’autant plus qu’on fera plus d’affaires. C’est comme une pyramide qui peut s’élever d’autant plus haut que la base est plus large. Nous nous affligeons pour le présent de voir 1,300 millions de numéraire inactifs dans les caisses de la Banque de France, mais nous nous en félicitons pour plus tard; lorsque la défiance politique aura cessé et que l’esprit d’entreprise renaîtra, nous trouverons là des moyens d’action des plus puissans. Enfin, quand on veut se rendre compte de l’emploi que peuvent rencontrer dans l’avenir les métaux pré-