Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/97

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais le brave Matthias de Büeley répondit : Soit, et bon nombre d’entre vous seront de la partie !…

« Serrez vos rangs, braves hommes de Glaris, formez votre bataillon en invoquant Dieu, vous êtes en sa garde !… »


Des milliers de lances, deux cents cavaliers, le poète moderne qui a souci de la vraisemblance n’ose pas dire davantage ; la chanson, qui ne doute de rien et qui a peut-être raison, parle de quatorze mille Autrichiens et de trois cents Glaronnais seulement. La manière dont elle rend compte de la victoire fait tout passer ; elle est comme un témoin qui exagère, mais qui a vu de ses propres yeux. Le poète au contraire demeure dans le vague, et, cherchant la vraisemblance, ne réussit pas à saisir la vérité. Le vieillard à la jambe de bois, embarrassé pour expliquer la bataille, se rabat sur les comparaisons. « Tu vois, dit-il, en bas des rochers, ces fontaines ? Des pierres, des roches, des racines d’arbres, voudraient les arrêter : vois cependant, elles passent à travers et se rejoignent en un bassin. Ainsi les nôtres, se précipitant, percèrent les rangs ennemis, et se groupèrent autour de leur chef, jurant, malgré leur petit nombre et avec l’aide de Dieu, de vaincre ou de mourir ! » Les Suisses reviennent à la charge onze fois de suite, toujours ramenés vers le rocher, toujours inébranlables comme lui. Enfin, avec le secours de trente braves du pays de Schwyz, ils se jettent sur les Autrichiens comme une montagne qui s’écroule, et la bataille est gagnée. Que nous préférons à ces lieux-communs le libre mouvement de la ballade !


« Tour à tour ils s’élancèrent sur l’ennemi, ou plièrent écrasés ; plusieurs succombaient, hélas ! les autres continuaient une lutte désespérée.

« De nouveau ils s’avancèrent, durent céder et se replièrent sur le Rüti. L’ennemi venait toujours sur eux, les enveloppant, ne leur laissant ni relâche, ni repos. Alors cette petite troupe recommença le combat, et accabla de nombreux ennemis sous les quartiers de roche.

« Les pierres retentissaient sur les morions, et le bruit en était répété par les montagnes. On vit de toutes parts courir aux pierres ; toutes les mains en étaient pleines. La pierre prit alors la parole, elle se mit à siffler, si bien que les chevaliers en perdirent la langue et les oreilles. »


Voilà bien une guerre de montagnes et un combat de paysans ; on comprend que l’issue de la bataille ait été suspendue ; mais ce qui suit l’explique mieux encore. Le petit renfort de Schwyz apparaît ; c’est assez pour que les Autrichiens croient à la présence d’une seconde armée. Des cris nouveaux, d’autres bannières, s’annoncent