Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/991

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui peut rendre plus d’un service. M. Rupricht Robert s’est dit avec les maîtres de la renaissance que « l’ornement, » cette capricieuse expression de l’insatiable fantaisie humaine, pouvait fournir aux artistes les ressources les plus fécondes. Il a voulu montrer comment les végétaux de notre pays, les plantes qui croissent aux bords de nos chemins, dans nos jardins, dans nos prairies, dans nos bois, ont pu devenir autrefois et deviendront encore des modèles pour la décoration de nos salles ou de nos monumens. Cette tentative pourrait bien avoir une influence, non pas immédiate, mais sérieuse et féconde, sur l’enseignement dont nous nous occupons. C’est une bonne pensée de faire comprendre de quelle manière les formes végétales peuvent se modifier pour prendre l’aspect décoratif et paraître digues d’embellir les surfaces de bronze, de pierre et de marbre. L’auteur s’est dit que l’expression de la beauté peut se dégager de la plante la plus vulgaire. Tour à tour il a dessiné l’oseille, le blé noir, l’érable, la feuille de chêne, célèbre dans les chansons des vieux temps, le cytise, le trèfle, le liseron, le lierre, le laurier, qui a servi d’emblème à tant d’apothéoses, et qui est un peu passé lie mode aujourd’hui, la feuille du chanvre, qui n’a pas encore trouvé de flatteurs, bien qu’elle ne soit pas moins belle, le persil, l’œillet. Il dessine la forme réelle de la plante par un trait exact, pur et ferme ; puis, sans presque rien changer, en développant un certain rhythme qui s’y trouve à l’état latent, il en fait sortir une autre forme, fille de la première, assez semblable à celle-ci pour qu’on ne puisse s’y méprendre, et devenue harmonieuse, ample, agréable aux yeux, composition à la fois savante et naïve. Il n’en faut pas tant pour constater quelles ressources inépuisables l’art peut trouver dans ces matériaux jetés à profusion autour de nous, qu’il s’agit seulement de ne point dédaigner, de choisir et de mettre en œuvre.

Une des plus anciennes écoles populaires de dessin à Paris, établie au foyer même des quartiers industrieux, qui s’est accrue lentement en proportion des besoins qui se révélaient autour d’elle, nous donnera une idée de ce qu’est l’enseignement du dessin, de l’impulsion qui peut lui être communiquée, et du point auquel il peut atteindre en partant de faibles commencemens. Nous avons visité l’année dernière l’école du soir de la rue Volta, dirigée depuis quatorze ans par un professeur de mérite, M. Levasseur. L’école ne coûte que 3, 000 francs à la ville, qui y entretient soixante boursiers. Deux cents élèves y reçoivent l’enseignement d’art. Elle fonctionne toute l’année, à l’exception de dix jours réservés pour l’exposition des travaux exécutés dans l’école, et durant lesquels le public, — le meilleur, le seul juge en dernier ressort, — vient exa-