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vigoureuse. Or de l’enquête qui a eu lieu en 1865 en même temps que le recensement de la population il résulte, — un ancien ministre, M. Natoli, n’a pas cru devoir en faire un mystère, — que l’enseignement populaire est à peine organisé, que la proportion des hommes totalement illettrés est encore plus grande en Italie que dans la plupart des pays d’Europe, même en Espagne. Nous avons vu d’ailleurs, — il n’y a pas lieu d’en tirer vanité, — que l’Espagne n’est que bien peu inférieure à nous sur ce point. L’Italie avait envoyé cependant beaucoup de travaux d’élèves qui figuraient avec le matériel des écoles dans les salles de l’exposition qui leur étaient réservées. Il y avait même des cahiers d’écoles communales. Les écoles professionnelles et techniques, l’école normale primaire de Venise, l’institut Manin, de la même ville, les instituts de Naples et de Padoue, avaient là des albums, dont plusieurs, fort luxueusement reliés, attiraient les regards. Malheureusement on avait jugé à propos pour quelques-uns de les tenir sous clé. Ce qu’on voyait, c’étaient de très grands dessins d’ornement lavés ou tracés au crayon, les uns au crayon de mine de plomb, les autres à plusieurs crayons de couleurs différentes, une sorte de travail de pastel. Dessins compliqués, d’un goût douteux, lignes surchargées, mauvais modèles, direction mal assurée, voilà ce qu’était l’ensemble. L’âge des élèves indiqué en marge des feuilles prouvait qu’ils étaient fort jeunes ; mais cette mention ne suffit pas à expliquer le désarroi de l’enseignement populaire en ce pays. Nous avons remarqué aussi des dessins d’aveugles ! À quoi bon des dessins d’aveugles ? N’y a-t-il pas là une ironie et un contraste cruels ? À quoi sert ce tour de force et à qui profitera-t-il ?

L’Italie ne nous a certainement pas mis sous les yeux en 1867 tout ce qu’elle a fait, tout ce qu’elle fait aujourd’hui, tout ce qu’elle peut faire pour l’enseignement du dessin. Sans parler de ses peintres, qui sont nombreux et soutiennent avec quelque éclat sa vieille réputation, sans parler des écoles de Rome, écoles très distinguées, mais en grande partie composées d’élémens étrangers, — à ne considérer que sa sculpture, qui est au premier rang après la nôtre, il est à peu près certain que le dessin est enseigné avec quelque succès dans d’assez nombreux établissemens. Le seul génie d’un peuple, son goût pour l’art, ne suffiraient pas sans l’étude préparatoire. Cette étude doit être aussi répandue avec profusion pour fournir les appareilleurs des différentes sortes de mosaïque, art charmant, aujourd’hui bien tombé, les nombreux ouvriers sculpteurs qu’on voit à Rome, à Florence et à Milan tailler le marbre et l’albâtre, façonner des copies d’antiques et d’œuvres modernes, multiplier ces vases, ces presse-papiers, ces mille objets de com-