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mort de son père ; sans perdre de temps, il saisit ses trésors et se fit proclamer par l’armée vice-roi ou soubhadar du Deccan au préjudice de son neveu Mozuffer-Jung. Ce dernier eut aussitôt l’idée d’invoquer l’appui des Mahrattes ; il se rendit donc à la cour de Pounah, et y fit la rencontre d’un ancien compétiteur à la royauté du Carnatic, Chunder-Sahib, qui était resté prisonnier depuis sept ans, faute de pouvoir payer une rançon. Ce Chunder-Sahib était, on s’en souvient, un fidèle ami des Français ; sa femme et ses trésors étaient même en dépôt à Pondichéry depuis le commencement de cette longue captivité. À l’arrivée de Mozuffer-Jung, il s’en fit un allié et prévint Dupleix que deux fugitifs, deux compétiteurs, l’un au trône du Deccan, l’autre à la seigneurie du Carnatic, sollicitaient l’appui de la compagnie française. Le gouverneur de Pondichéry comprit tout de suite quel avantage il y aurait à faire arriver sur les principaux trônes de la péninsule deux prétendans qui seraient ses obligés et les défenseurs des idées françaises ; mais il se souciait médiocrement de ramener les Mahrattes dans une contrée où leur souvenir était abhorré. Il s’empressa donc de payer une rançon de 700,000 roupies pour la mise en liberté de Chunder-Sahib. Ce chef fut bientôt en marche sur Arcot à la tête de 6,000 hommes ; Mozuffer-Jung le rejoignit avec 30,000 soldats. Comme sur ces entrefaites la paix avait été conclue entre les deux puissances européennes, Dupleix, ayant des forces disponibles, fit appuyer Chunder-Sahib par une troupe de 400 Européens et 2,000 cipayes que commandaient de Bussy et d’Auteuil, les meilleurs officiers de la colonie. Le Carnatic appartenait encore à Anwaroudin, envers qui Dupleix se croyait dégagé de tout lien de reconnaissance depuis les hostilités qui avaient suivi la prise de Madras. Ce vieux nabab, âgé de cent sept ans, dit-on, attendait l’armée ennemie près d’Ambour avec 20,000 soldats natifs et un renfort de quelques aventuriers européens. Le 3 août 1749, une grande bataille fut livrée. Anwaroudin périt dans la mêlée ; ses partisans s’enfuirent en désordre, laissant aux vainqueurs éléphans, chevaux, bagages et toute leur artillerie.

Cette victoire fut décisive. Mozuffer-Jung et Chunder-Sahib devenaient par le fait maîtres du Carnatic ; mais Nadir-Jung tenait encore la campagne avec des forces considérables, et Mahomed-Ali, fils d’Anwaroudin, échappé au désastre d’Ambour, s’était réfugié dans la citadelle de Trichinopoly. Les alliés se mirent à la poursuite de ce dernier. Par malheur, les deux conjurés indigènes n’étaient ni l’un ni l’autre à la hauteur de leur situation, et Dupleix ne trouvait dans la garnison de Pondichéry aucun officier capable de mener avec vigueur les opérations militaires. L’un était trop vieux, un autre succombait aux atteintes du climat, un troisième manquait tout