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rétablie au mois de décembre suivant et limitée à 10 francs. À ce taux-là, on devait payer cet été à Guérande 300 francs d’impôt pour le muid de sel valant 20 francs, et 360 francs à Bourgneuf pour la charge valant 12 ou 15 francs, sous la seule déduction de 5 pour 100 pour cause de déchet, chiffre fort inférieur au déchet réel. 360 francs pour une marchandise qui en vaut à peine 15! On peut voir que, dans le prix commercial du sel, c’est l’impôt qu’on rembourse ; le prix de la matière première est insignifiant en comparaison.

Jusqu’ici cependant c’est la consommation ordinaire, ce sont les industries employant ou pouvant employer le sel qui se trouvent directement affectées. Des changemens ayant un tout autre caractère sont venus plus tard réagir indirectement et de la façon la plus désastreuse sur l’industrie du sel marin dans la région du bas de la Loire et dans tout l’ouest de la France. Ces changemens tiennent à diverses causes et surtout aux moyens rapides de transport qui ont modifié si profondément toutes les conditions antérieures de la concurrence. La production du sel en France se partage en trois larges zones, celles de l’est, du midi et de l’ouest. Dans l’est, le sel provient de sources salifères ou de mines; mais aujourd’hui, sauf sur un seul point, on traite les mines de sel comme les sources salées elles-mêmes. Au lieu d’en extraire la matière à coups de pioche, on remplit d’eau les galeries pratiquées à travers les gisemens, et quand cette eau est saturée de sel au degré voulu, on l’amène à la surface, et on la fait passer par des chaudières d’évaporation. Le soleil n’intervient pas, on n’a pas à compter avec le beau ou le mauvais temps, c’est une fabrication industrielle régulière. Dans le midi, on utilise le soleil, mais non plus tout à fait comme sur les bords de l’Océan. La Méditerranée n’ayant pas de flux et de reflux, c’est à l’aide d’appareils mécaniques qu’on fait monter l’eau de la mer ou celle des étangs de concentration dans d’immenses carrés formant les salines. On n’est pas forcé d’accélérer l’évaporation par une circulation continuelle. Avec une température toujours chaude, sous un ciel sans nuages, on n’a besoin que de renouveler l’eau de temps en temps, et l’on recueille le sel en une seule fois, à la fin de l’été. Les obstacles opposés à l’évaporation par un climat brumeux rendent la production plus intermittente, plus laborieuse et moins rémunératrice sur les rivages de l’Océan; en revanche, la qualité du sel y est supérieure.

Le sel de l’ouest et celui du midi s’étaient longtemps partagé l’approvisionnement de la France; l’exploitation des salines de Lorraine et de Franche-Comté ne date que des premières années de la restauration. Après avoir appartenu à l’état, qui les affermait à une