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peut-être plus que toute autre. On ne saurait trop vivement souhaiter que l’on cesse de la comprimer sous des taxes qui restreignent si considérablement le débouché de ses produits.

Un autre vœu qu’il reste à faire pour elle, c’est que le gouvernement apporte la plus grande réserve dans son intervention par voie réglementaire. On a pu juger plus d’une fois des inconvénient de la réglementation. Telle mesure prise jadis en vue de favoriser la reproduction du poisson avait provoqué des plaintes si générales et si fondées qu’on dut reconnaître la nécessité d’en suspendre l’exécution. Le ministère de la marine, de qui relèvent ces questions, n’incline pas de lui-même, c’est justice de le reconnaître, vers la réglementation exagérée; il se considère plutôt comme le protecteur de la population maritime. On peut l’engager seulement à résister aux sollicitations que des intérêts aveugles ou trop craintifs sont portés à lui adresser. Dans les cas mêmes où il serait reconnu indispensable de prescrire certaines conditions, on peut lui demander que les formalités soient simplifiées, et que les décisions arbitraires cèdent la place à des règles nettes et précises. Dans la périlleuse industrie qu’exercent les intrépides pêcheurs des côtes, il est bien rare qu’on rencontre, je ne dirai point la fortune, mais même une aisance modeste. On livre chaque jour sa vie aux hasards des vents et des flots sans le moindre espoir, au bout d’une navigation poursuivie durant de longues années, d’arracher le moindre lambeau de la toison d’or. C’est bien le moins que le gagne-pain des familles ne soit pas subordonné à la recherche d’une inutile homogénéité.

Pour les pêcheurs comme pour les paludiers, nous aboutissons donc en fin de compte au même mot de liberté, soit par rapport à l’impôt, soit par rapport à la réglementation. Certes, dans l’industrie des uns et des autres, les conditions journalières sont absolument dissemblables. Au fond cependant, le fait commun qu’ils dépendent de la mer et qu’ils ont besoin d’écouler leurs produits vers l’intérieur établit entre eux une certaine communauté d’intérêts qui les place sous l’égide des mêmes principes. Tandis qu’au point de vue économique leurs situations ont tant de rapports, les habitudes, les mœurs, les caractères, diffèrent profondément dans chacun des deux groupes, et y conservent, malgré les points de contact dus au voisinage, une originalité distincte.


III.

Chez les paludiers et les pêcheurs du bas de la Loire, on ne s’attend point sans doute à découvrir de ces traits de caractère gran-