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n’est plus affectée au service du culte et sert de magasin pour l’artillerie. Cette chapelle fut jadis le but d’un pèlerinage, elle l’est encore malgré les transformations qu’elle a subies. Des habitans de Batz en particulier viennent chaque année, le lundi de la Pentecôte, prier auprès de ces murs jadis sacrés.

Le fond des mœurs apparaît au grand jour dans les habitudes religieuses. Ici, point de manifestations équivoques. A travers les diverses modifications locales qui ont pu s’accomplir de nos jours, ce côté du tableau est demeuré à peu près intact, parmi les paludiers comme parmi les pêcheurs. Rien de plus significatif que la solennelle bénédiction donnée tous les ans, le jour de l’Assomption, à la baie du Croisic, du haut d’une des promenades qui dominent cette ville, fête touchante à laquelle les vastes horizons de la mer servent de cadre. Des cérémonies analogues s’appliquent dans le voisinage à tel ou tel bras de mer habituellement fréquenté par les embarcations de la pêche. Aussi l’interruption du travail le dimanche est-elle partout observée. La récolte du sel et la pêche de la sardine ont dû être autorisées en raison de l’urgence que présentent ces deux opérations. Le sel ne peut attendre, et les poissons en marche doivent être saisis au passage; mais tous les autres travaux cessent rigoureusement, y compris le portage du sel sur les bords des marais, moins pressé que la récolte proprement dite. L’influence salutaire que cette coutume exerce est d’ailleurs facile à constater dès qu’on pénètre un peu dans la vie de la population. Le dimanche est le jour où chacun prend quelque soin de sa personne. Chez le plus pauvre comme chez le plus aisé, les grossiers habits de travail font place à des vêtemens propres. On se repose du fatigant labeur quotidien. C’est aussi le jour des réunions. Dès le matin, on voit les familles se rendre par groupes à l’église; personne n’y manque, les hommes pas plus que les femmes. Ceux que leur besogne avait séparés durant la semaine se trouvent ainsi rapprochés. L’usage de se visiter dans l’après-midi profite aux relations de parenté ou de voisinage. L’âme et le cœur semblent se ressouvenir de leurs droits. Dès que l’homme n’est pas une machine qui puisse fonctionner sans relâche, dès qu’il ne ressemble pas non plus aux bêtes de somme qui n’éprouvent aucun besoin de l’esprit et de la conscience, cet attachement à la tradition si bien constaté dans ce pays s’accorde avec l’intérêt matériel comme avec l’intérêt moral de l’individu.

Jusque dans ces derniers temps, on pouvait considérer comme un signe visible et un gage extérieur de l’empire des mœurs la conservation du costume héréditaire, principalement dans certaines localités où l’originalité en est surtout frappante. Aujourd’hui l’ancienne rigidité s’est affaiblie sous ce rapport; ce n’est pas aux