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goûts des populations qu’il faut s’en prendre, c’est à la difficulté des temps. Le Bourg-de-Batz peut nous servir d’exemple. L’habillement traditionnel des paludiers y étant coûteux, la gêne croissante des familles a dû nécessairement amener des modifications plus ou moins notables. Ce costume est ce qu’on appelle le costume des mariés. Les femmes ne le revêtent pour la première fois que le jour de leurs noces. On le ménage soigneusement ensuite, de manière qu’il puisse durer toute la vie. On ne le porte plus qu’aux grandes solennités ou bien dans des fêtes de famille. Pour le marié, il consiste en une chemisette de drap brun, une collerette de mousseline, une culotte courte bouffante et deux camisoles, l’une blanche et l’autre bleue. Un grand manteau de drap noir recouvre le tout. Un chapeau à trois cornes avec ganse de velours, des bas blancs brodés et des souliers en daim blanc complètent la parure. La mariée porte une coiffe brodée et un fichu blanc bordé de dentelle, un corsage et une ceinture en fils d’or, un jupon violet, une robe blanche, les manches rouges ou blanches, le tablier de soie jaune ou rouge, les bas rouges brodés et les sandales violettes. Ni le soin ni une certaine élégance ne manquent dans l’arrangement de la toilette des femmes. On peut en juger même les dimanches ordinaires, où elles ne prennent pas leur grand costume, et où elles se contentent d’en mêler quelques parties à des atours tout modernes. L’habillement et surtout la coiffure diffèrent de village à village. Du reste les principaux articles du costume ordinaire, chez les hommes comme chez les femmes, se justifient par les nécessités du travail ou par la nature du climat. Le soleil brûlant de l’été, dont les rayons sont renvoyés par les marais salans comme par des lentilles, nécessitait les chapeaux à larges bords. Les doubles ou triples vêtemens de laine, les bandelettes ramenées sur les joues, s’expliquent par les grands vents qui règnent sur les côtes et par les rapides changemens qui font passer la température d’un extrême à l’autre. Quant aux culottes serrées aux genoux, elles ont l’avantage de permettre de détacher facilement les bas ou les guêtres lorsque la besogne oblige à marcher dans l’eau. D’après ces exigences, on peut croire que, tant que dureront les occupations actuelles, l’ancien costume gardera quelque chose de son caractère primitif.

Il ne faudrait pas se figurer que, sous l’influence des usages anciens, les esprits restent plongés dans l’engourdissement. Rien ne serait plus faux. L’instruction primaire, par exemple, est en progrès dans ce milieu autant qu’ailleurs. Quand la progression est le moins sensible, c’est qu’elle est entravée par des circonstances indépendantes de la volonté des individus. Les parens en général se montrent très disposés à envoyer leurs enfans à l’école; mais la difficulté la plus sérieuse qu’ils rencontrent provient des distances