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à nos souvenirs romantiques, les ruelles gothiques ont fait leur temps, et le soleil n’est de trop nulle part. Dans les villes futures, que nul de nous ne verra, mais que peuvent rêver déjà les imaginations fécondes, villes dont toutes les rues seront bordées par un jardin, qui ressembleront à un grand parc habité et non à une carrière en exploitation, il y aura plus de poésie, quoi qu’on en dise, que dans ces amoncellemens de maisons grimaçantes, nauséabondes cités du « bon vieux temps » qu’on a spirituellement dépeintes d’un mot : des gargouilles contemplant un cloaque.

Jusqu’au XVIIIe siècle, il n’y eut en France d’autres promenades publiques que certains emplacemens spéciaux dans les grandes villes, tels que la Place-Royale de Paris, le Cours la Reine et quelques jardins appartenant soit aux rois ou aux princes, soit à de grands seigneurs qui daignaient de temps en temps les livrer aux vilains pendant quelques heures; puis vint la transformation graduelle des anciennes fortifications en larges avenues plantées d’arbres auxquelles est demeuré attaché le nom guerrier de boulevards. La révolution française a livré à la foule plusieurs résidences princières qu’avaient enfermées jusqu’alors des murailles jalouses. Vers la fin de la restauration, l’insuffisance des promenades commença pourtant de se manifester : on vit en peu d’années des constructions envahir les deux jardins de Tivoli, ceux de Beaujon, de Marbeuf, une grande partie des Champs-Elysées. Dès lors on comprit que la création des jardins publics, des squares et des boulevards devait être une conséquence logique et trop différée de l’agrandissement des villes. C’est l’histoire de ces transformations diverses qui nous est racontée dans les Promenades de Paris. Cet important recueil, qui s’adresse aux ingénieurs, aux architectes, aux horticulteurs, non moins qu’aux amateurs de fleurs et de jardins, comprendra, outre la description des nouveaux boulevards et des squares, bois ou parcs créés ou remaniés par M. Alphand, les détails les plus précis sur l’entretien et les frais de premier établissement de ces ouvrages et de ces plantations.

Un chapitre spécial sera consacré à la description de la belle collection des végétaux exotiques que possède la ville de Paris. C’est dans les serres de l’administration municipale que l’on étudie la difficile question de l’acclimatation de ces plantes. Les plus remarquables d’entre elles sont dans les Promenades de Paris l’objet de magnifiques chromolithographies qui font de ce recueil un véritable album dont l’introduction renferme une monographie de l’art des jardins. C’est donc un traité complet sur la matière que nous promettent les premières livraisons de cette publication, à laquelle on ne peut adresser qu’un reproche, celui de paraître dans un format dont les proportions énormes créeront de véritables difficultés aux futurs lecteurs de ce recueil.


ED. GRIMARD.
L.Buloz