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Guillaume d’Orange de la France? Un changement de dynastie n’était-il pas une faiblesse de plus au lieu d’être une garantie nouvelle? Au fond, cette question, qui ressemble à un désaveu rétrospectif et à un regret, contient en germe la destinée, les embarras et les contradictions de ce régime naissant. Elle laisse entrevoir ce qu’il y avait de confus dans cette explosion publique en apparence si soudaine et si belle d’unanimité, qui était effectivement unanime comme acte de résistance, mais qui ne l’était plus dès qu’il s’agissait de préciser le sens, la direction et les limites de cette crise nouvelle où entrait la France bannières déployées.

Une vérité éclatante à travers tout, c’est que, s’il y avait du danger à exagérer le mouvement, à le laisser s’égarer dans les agitations indéfinies, il y en avait au moins autant à le rétrécir dès qu’il était accompli. La révolution de 1830 n’était rien, ou elle était la réaction victorieuse de l’esprit national et de l’esprit de liberté incessamment refoulés par la restauration. Elle apparaissait comme une revanche des blessures de 1815 et de toutes les menaces d’ancien régime, comme un retour plus ou moins mitigé aux traditions de la révolution et de l’empire. Dans l’instinct du peuple comme aux yeux de l’Europe et du monde, c’était son caractère, sa loi, sa logique, de telle sorte que cette révolution nouvelle, comme la restauration, mais dans un tout autre sens, naissait, elle aussi, sous le poids d’une double fatalité. La restauration avait la fatalité de l’invasion étrangère et des entraînemens d’ancien régime qu’elle portait en elle, et elle venait de succomber pour avoir cédé à son penchant, pour n’avoir pas secoué la solidarité de la sainte-alliance et des passions réactionnaires. La révolution de juillet avait la fatalité de la réaction toute libérale et nationale dont elle était l’expression aussi bien que des entraînemens nationaux et révolutionnaires qu’elle suscitait partout à son exemple en Europe, et en fin de compte elle a probablement péri pour avoir trop résisté à la logique de son origine, pour avoir voulu être trop sage.

Qu’il y eût une mesure à saisir et à observer, qu’on dût se garder des excès d’autrefois, des conquêtes impériales tout comme des déchaînemens anarchiques, qu’une politique nouvelle, à la fois modérée et hardie, fût nécessaire enfin, c’était bien clair, et c’est là justement que se retrouvaient en présence, dès le premier jour, dans le feu même de la lutte, les deux esprits qui avaient concouru à la révolution de juillet, — deux interprétations nées en quelque sorte de la nature des choses. Pour les uns, pour ceux qui sentaient comme le peuple, qui n’avaient jamais aimé la restauration, et qui voyaient dans sa chute le réveil d’une France nouvelle, la révolution de 1830 devait avoir ses idées, comme elle