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particulièrement besoin. L’or est si bien la monnaie indispensable à présent que la Belgique et la Suisse, qui en 1850, guidées par de fausses considérations, l’avaient démonétisé, se sont empressées de le reprendre en 1860, pour laisser l’argent à l’état de monnaie divisionnaire.

On sait ce qu’il faut penser de la plus grande facilité des rapports commerciaux avec les pays à monnaie d’argent en ayant le double étalon; nous avons montré que, même avec ces pays, les règlemens pouvaient parfaitement se faire en or, que ce métal était reçu partout. Il en est autrement si l’on n’a que de l’argent à offrir aux pays qui ont la monnaie d’or; les règlemens alors présentent des difficultés sérieuses qui se traduisent par un change plus ou moins défavorable. Un auteur très consciencieux, et dont les recherches statistiques méritent toujours grande confiance, M. Clément Juglar[1], a dressé un tableau des variations du change de notre pays avec l’Angleterre depuis le commencement du siècle jusqu’en 1864. Ce tableau est très intéressant à consulter. On y voit que de 1819 à 1852 le change nous a été plus défavorable qu’il ne l’a été depuis. En voici l’explication. Le taux du change avec un pays étranger s’établit sur deux choses principales : 1° sur les rapports commerciaux et autres qui vous constituent débiteur ou créancier, 2° sur la nature de la monnaie qu’on peut proposer en paiement. Les règlemens entre nations se font comme entre individus, avec du numéraire. Si on est débiteur, il faut envoyer celui qui est nécessaire au paiement et en supporter les frais de transport. Le change s’établit en conséquence, c’est-à-dire qu’on trouve des gens dont c’est le métier qui, pour vous éviter la peine de cet envoi direct, vous vendent une traite sur l’endroit même où vous avez à payer, et avec laquelle vous pouvez éteindre votre dette. Le prix de cette traite ne peut pas dépasser de beaucoup les frais de transport, car autrement on aurait intérêt à envoyer soi-même le numéraire; mais il arrive jusque-là. C’est donc déjà un élément favorable pour le change que d’avoir une monnaie d’un transport commode et facile, ayant beaucoup de valeur sous un petit volume. M. E. Levasseur, dans son excellent livre sur la Question de l’or, établit que pour transporter jusqu’à la frontière une somme de 310,000 fr. il en coûterait 310 fr. en argent et seulement 200 fr. en or. Maintenant, si la monnaie d’argent qu’on possède n’est pas celle du pays où le règlement doit avoir lieu et n’y a pas cours, la question se complique; il faut se procurer la monnaie qui a cours, l’a-

  1. Voir le livre intitulé du Change et de la liberté d’émission, par M. Clément Juglar, 1868.