J’avais en 1813 quelque huit ans, — ce qui est peu, et quatre parrains, — ce qui est beaucoup. Le plus vénérable des quatre était sans contredit l’amtshauptmann ou chef de district, lequel professait de longue date une véritable amitié pour mon excellente mère. Mon père était bourgmestre de sa ville natale, de Stavenhagen ou Stemhagen, comme nous disons en bas-allemand. J’ai encore devant les yeux, au moment où j’écris, sa figure vénérable, que la mienne, — vénérable aussi par malheur, — m’aiderait, si besoin était, à me rappeler. L’amtshauptmann revit aussi dans mes souvenirs avec le bel habit bleu, les culottes jaunes et les bottes à revers qui décoraient sa personne quand il se promenait à midi sous les marronniers de la grand’ place. Je le vois également dans son vaste fauteuil, vers onze heures du matin, quand il me donnait audience pour écouter quelque message de mon père, lequel ne m’envoyait jamais plus tôt à l’imposant administrateur, connaissant les habitudes peu matinales de ce brave homme. Il était là, trônant au milieu de la chambre, la serviette nouée sous le menton, tandis
- ↑ Ce récit naïf de Fritz Reuter (Ut de Franzosentid), traduit du Platt-Deutsch (bas-allemand) par Ch. Lee Lewes, nous a paru comme une réplique au Conscrit de mil huit cent treize par MM. Erckmann-Chatrian. C’est la contre-partie allemande du roman français. Nous l’avons donc cru susceptible d’une de ces libres interprétations fort abrégées auxquelles nous encourage la bienveillance des lecteurs de la Revue.