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nos lois aussi subiront de profondes transformations, mais les plus radicales et les plus durables ne seront pas brusques.

L’adresse de Deák fut très mal accueillie à Vienne. Elle énumérait d’une façon trop décidée les conditions auxquelles seulement la Hongrie consentirait à traiter. C’était le « sinon, non » des Aragonais. La chancellerie impériale y répliqua par un rescrit en date du 21 juillet. Il y était dit que l’union entre la Hongrie et les états héréditaires était tout autre que personnelle, qu’elle était plutôt réelle, que la Hongrie avait toujours été obligée de contribuer aux dépenses générales, que les lois de 1848 ne pouvaient être complètement remises en vigueur, attendu qu’elles avaient produit de graves désordres, et que dans l’intérêt de l’empire et du royaume il était urgent d’envoyer des députés au reichsrath de Vienne pour y discuter « les affaires communes. » En somme, c’était là le point auquel on tenait. Pourvu que les Hongrois se fissent représenter à la diète centrale, on leur aurait concédé tout le reste; mais les Hongrois sont de ces gens « à cou raide » dont parle l’Écriture. à est impossible de les faire céder, surtout quand ils s’appuient sur leur « droit historique; » c’est un peuple de soldats et de juristes. Chacun d’eux est armé de son sabre et de son corpus juris. A défaut de l’un, ils se servent de l’autre. Ils invoqueront Verböczy d’abord, Rákóczi ensuite. Le rescrit impérial provoqua une explosion de mécontentement. Il n’y eut plus deux partis au sein de la chambre, il n’y en eut plus qu’un. On décida que jamais on ne céderait aux injonctions de Vienne, et on chargea Deák de faire connaître cette résolution.

La nouvelle adresse que Deák rédigea, et qui fut adoptée à l’unanimité, reproduit les mêmes argumens que la première, les développe, les fortifie par de nombreux précédens historiques. Il y réfute point par point et avec une impitoyable logique toutes les affirmations de son impérial contradicteur. Comme mémoire juridique, c’est un chef-d’œuvre qui n’aurait peut-être pas excité l’enthousiasme de tout autre peuple que des Hongrois, mais qui aurait entraîné le verdict de toute cour de justice. C’est un résumé de l’histoire politique de la Hongrie et une exposition de son droit constitutionnel. Le débat était sans issue. M. de Schmerling voulait faire du royaume de saint Etienne une province autrichienne; Deák et la nation tout entière réclamaient à Pesth une diète souveraine et un ministère responsable. L’adresse elle-même disait que toute communication ultérieure était inutile. Le 21 août 1861, la dissolution de la diète était prononcée. Celle-ci, s’appuyant sur la disposition constitutionnelle qui ne permet pas au souverain de dissoudre le parlement avant l’examen du budget, inséra au pro-