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et Sennyei. Le modeste avocat de Pesth qui tenait en ce moment dans ses mains le sort de l’empire des Habsbourg fit connaître les conditions qui rendraient possible un accord avec la Hongrie. Celle-ci ne sacrifierait rien de son autonomie. Son indépendance serait garantie, mais les objets d’intérêt commun se régleraient de commun accord. C’était l’esquisse du dualisme adopté depuis. L’impératrice engageait, dit-on, son époux à céder. Elle connaissait la langue et la littérature hongroises. Elle avait pour les Magyars plus de sympathie que la chancellerie viennoise. Un vague instinct lui révélait que le temps pressait. En juin, François-Joseph fut reçu avec enthousiasme à Bude. Par le manifeste de septembre, le ministère Belcredi suspendit la constitution de février 1861 afin de pouvoir élaborer une organisation acceptée par la Hongrie. Enfin en décembre l’empereur ouvrit en personne la diète à Pesth. L’accueil fut très brillant et très chaleureux. Les Hongrois se méfient de l’empereur d’Autriche, mais malgré tout ils aiment encore leur roi. De part et d’autre, on croyait pouvoir arriver à s’entendre; toutefois Deák ne voulait transiger en rien sur « la continuité du droit. » Il fallait d’abord remettre en vigueur les lois de 1848, votées par la diète et sanctionnées par le souverain. Quand un ministère responsable aurait été nommé, il pourrait proposer les modifications jugées nécessaires. C’est ce qu’une nouvelle adresse exposa. Le ministère Belcredi, qui désirait contenter la Bohême et la Croatie, ne put se décider à une concession qui devait irriter tous les Slaves. Il hésita, et répondit encore une fois par un rescrit en février 1866. L’ajournement de la diète suivit, et l’Autriche alla affronter sur les champs de bataille la Prusse et l’Italie sans avoir la Hongrie derrière elle.

Deák et son parti n’auraient point donné la main aux exilés de Klapka pour soulever la Hongrie, et après Sadowa ils n’abusèrent point de la défaite de l’Autriche pour augmenter leurs exigences, mais il n’en est pas moins certain qu’ils furent satisfaits des résultats de la guerre. Verser le sang hongrois pour garder Venise ou pour conquérir la prépondérance en Allemagne leur semblait également déplorable. Eötvös avait toujours fait voir dans ses publications que les plus grands dangers de la Hongrie provenaient de ce que l’Autriche faisait partie de la confédération germanique. Il dut donc saluer avec satisfaction le jour où elle en sortit. Qu’on désirât faire des états autrichiens un état unitaire, rien de plus naturel : l’erreur a été de croire qu’avec tant de nationalités distinctes, hostiles, ce vœu était réalisable, et en poursuivre l’accomplissement par la force était une folie qui menait à l’iniquité. Les événemens de 1866 ont mis un terme définitif à ces tentatives.