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l’on connaisse. Les symptômes et la marche de l’empoisonnement sont rapides, violens, et parfois résistent à toute médication. Les premiers effets de l’introduction de cette substance dans l’économie animale, soit qu’elle ait été prise à l’intérieur, soit qu’elle ait été absorbée par les surfaces tégumentaires, consistent en une sécheresse particulière de la bouche avec constriction de la gorge; puis viennent des vertiges, des nausées, des défaillances et d’abondantes sueurs; le pouls, tantôt petit et concentré, tantôt dur et vibrant, témoigne du trouble extrême de la circulation; la vision, d’abord confuse, s’obscurcit peu à peu, s’éteint parfois entièrement, tandis que l’œil, injecté de sang et complètement déformé par l’énorme dilatation de la pupille, ne jette plus que des regards atones. Aux défaillances succède un délire bizarre, tantôt gai, turbulent, érotique et traversé d’hallucinations carphologiques, tantôt rempli d’accès furieux, graduellement atténués par un assoupissement que suit la mort après quelques jours ou quelques heures, au milieu de soubresauts convulsifs. Tel est, à peu d’exceptions près, l’ensemble des phénomènes que présente l’empoisonnement par l’atropine; il peut servir de type, et c’est pour cette raison que nous l’avons décrit avec quelques détails. Dans les cas qui ne sont pas mortels, les symptômes s’affaiblissent peu à peu, et se terminent généralement par une sueur extrêmement abondante qui annonce la guérison au bout de quatre, six ou huit jours. Outre les symptômes communs à tous les empoisonnemens produits par l’atropine, c’est-à-dire par l’une quelconque des solanées vireuses du premier groupe, on a observé des phénomènes spéciaux à certains de ces agens toxiques qui diffèrent non-seulement par la nature des accidens secondaires qu’ils occasionnent, mais encore par l’intensité des propriétés délétères. C’est ainsi que le délire produit par la belladone est ordinairement bruyant et gai, tandis que celui que détermine la jusquiame est sombre, coupé d’accès de fureur, et suivi par un lourd et profond narcotisme; la stramoine se distingue par l’irritation qu’elle produit sur la peau privée de l’épiderme. Quant à l’énergie relative de ces diverses solanées, on estime que le datura stramonium est deux ou trois fois plus actif que la belladone, laquelle à son tour surpasse deux ou trois fois en puissance délétère la jusquiame noire. C’est d’ailleurs particulièrement dans les feuilles et dans les fruits que sont accumulés les principes toxiques des solanées, bien qu’on ne trouve aucune partie de la plante qui en soit absolument dépourvue.

Nous avons hâte d’aborder la question difficile de l’action thérapeutique non-seulement des solanées privées de principes actifs, telles que les pimens, qui ne sont que des stimulans en réalité, et cer-