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Afin de produire une impression d’effroi plus directe encore sur ce qu’il appelait la prêtraille, Napoléon, qui avait déjà fait conduire à Vincennes les cardinaux di Pietro, Oppizzoni et Gabrielli, fit en même temps mettre la main sur le prélat Gregori et le père Fontana, général des barnabites. M. de la Calprade et l’abbé Guairard, qui avaient reçu les compromettantes confidences du chanoine d’Astros, partagèrent sa détention. Un grand-vicaire de Metz et plusieurs ecclésiastiques de Marseille furent aussi arrêtés par la seule raison qu’on les accusait de porter trop d’intérêt aux cardinaux romains récemment enfermés à Vincennes. C’était là un crime irrémissible, et les femmes qui s’en rendirent coupables ne furent pas davantage épargnées. Au grand effroi de la société parisienne, qui les connaissait toutes deux pour leur mérite et leur piété, Mmes de Quinsonnas et de Soyecourt, violemment arrachées de chez elles, se virent à la même époque menacées d’être jetées pour le reste de leurs jours dans une prison d’état. On les considérait déjà comme perdues, car sous le premier empire il était rare de sortir d’un lieu si redouté. Le crédit de quelques amis, aidé de l’obligeance de M. Pasquier, les sauva. Il ne leur épargna pas toutefois l’ennui d’aller apprendre par une détention de quelque temps à l’hôtel de la préfecture de police de Paris combien il était dangereux aux personnes les plus inoffensives de donner prise, pour quelque motif que ce fût, aux soupçons du maître de la France.

Est-il besoin d’ajouter que de pareilles sévérités déployées coup sur coup au sein même de la capitale y avaient répandu la consternation. Une sorte de terreur planait sur le clergé de Paris. Les chanoines du chapitre métropolitain de Notre-Dame étaient particulièrement éperdus. Non-seulement le châtiment qui avait frappé l’abbé d’Astros les désolait, mais ils n’étaient pas sans inquiétude sur leur propre sort, car ils avaient jusque-là marché toujours d’accord avec leur infortuné collègue. Témoin de leur indicible épouvante, le cardinal Maury eut l’art de leur persuader qu’il dépendait d’eux de préserver les jours compromis de l’abbé d’Astros et de rendre la sécurité au diocèse si profondément troublé de Paris. « Il suffirait, leur dit-il, de révoquer sans délai les pouvoirs de vi-