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mant 206 électeurs ; les candidats du parti démocrate, M. Horatio Seymour et M. Franck Blair, sont restés avec le maigre appoint de neuf états et 88 électeurs. La majorité du parti républicain se dessine du premier coup dans des proportions qui la rendent irrésistible.

A vrai dire, malgré l’incertitude qu’il y a toujours jusqu’au dernier moment dans des élections où se déploient toutes les forces de la liberté, toutes les passions d’une démocratie vivace et un peu confuse, la victoire n’était guère douteuse ; elle était à peu près infaillible, surtout depuis les élections locales récemment faites dans la Pensylvanie, dans l’Ohio, dans rindiana, et toutes favorables au parti républicain. Les démocrates l’avaient bien senti, et ils en avaient été ébranlés. Les uns voulaient faire revivre la candidature du chief-justice, M. Chase, les autres parlaient de se retourner vers le président Johnson ; il y en avait qui songeaient à un coup de tactique, et auraient admis la pensée de se rallier au général Grant lui-même pour atténuer l’effet d’une victoire républicaine trop complète. Au dernier moment cependant, ils ont retrouvé leur ardeur pour aller jusqu’au bout ; ils ont redoublé d’efforts dans le combat, ils n’ont pu arriver qu’à ce médiocre résultat : neuf états et 88 électeurs, juste ce qu’il faut pour rehausser la victoire du parti républicain. Les démocrates n’ont eu un avantage sérieux que dans l’état de New-York, qui représente le plus clair de leurs forces dans cette lutte qui passionne l’Union depuis quelques mois. Dans les autres états les plus importans, la Pensylvanie, l’illinois, le Massachusetts, ils ont été complètement battus. Ce n’est pas que les démocrates cessent d’être un parti puissant. Vaincus dans l’élection présidentielle, ils ont au contraire depuis quelque temps regagné des voix dans le congrès, de telle sorte que du même coup le parti républicain se trouve à son tour affaibli dans la représentation nationale. Au fond, ce qui a décidé de cette élection présidentielle, ce qui a singulièrement aidé le parti républicain dans sa dernière campagne, c’est le choix d’un candidat assez haut placé par sa popularité et par ses services pour emporter par lui-même la moitié de la victoire.

L’élection du général Grant, quoiqu’elle soit l’œuvre d’un parti, ne représente pas cependant le triomphe exclusif d’un parti ; elle est un grand acte de bon sens national, le couronnement de la politique de reconstruction dans ce qu’elle a de moins agressif, de moins blessant pour les vaincus, et on peut dire qu’elle offre pour les États-Unis des garanties de paix que n’aurait offertes aucune autre candidature. Le succès d’un autre candidat républicain eût été sans doute supporté avec peine par les démocrates ; le triomphe d’une candidature démocrate eût par trop ressemblé à un désaveu de la dernière guerre, et serait devenu peut-être en peu de temps le signal d’un déchirement nouveau. Par son passé, par sa position, comme par tous ses instincts, le nouveau