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favorable que je ne l’avais encore vu, j’en ai prévenu la amputation ; elle s’est rendue immédiatement chez le saint-père. Elle a eu lieu d’en être beaucoup plus satisfaite que de coutume, et même elle m’annonce que, si des dispositions aussi heureuses se soutiennent ce soir comme ce matin, elle peut espérer atteindre le but de sa mission[1]. »


Comment s’était opéré ce changement inattendu dans les intentions de sa sainteté ? Il serait assez difficile d’en découvrir les causes dans la correspondance des évêques, car leurs, lettres deviennent tout à coup aussi courtes et énigmatiques que celles du préfet de Montenotte sont nettes et détaillées. Ils parlent à la date du 17 mai d’une courte note qu’ils ont remise à Pie VII, et qu’il a lue et gardée ; mais des espérances que M. de Chabrol avait déjà conçues à cette époque, ils n’en soufflent pas mot dans les communications qu’ils adressent au ministre des cultes. Ils disent au contraire qu’il leur paraît assez clair aujourd’hui qu’ils n’arriveront pas au but… « Ils ont même cessé de combattre les résolutions du pape, parce qu’il leur a dit et répété qu’il préférait passer sa vie en prison, — detrusus in carcerem[2]. » Le lendemain 18, les évêques se bornent à annoncer que M. le préfet de Montenotte a beaucoup aidé aux réflexions de la nuit en parlant le matin même avec douceur et fermeté au saint-père. En se rendant chez Pie VII après M. de Chabrol, ils l’ont trouvé profondément pensif et touché, toujours bon, toujours affable, toujours guidé par sa conscience, qu’il ne veut pas trahir, mais moins éloigné de l’idée de faire quelque concession. « Nous avons quitté le pape, ajoutent-ils, au moment où il nous a avoué que sa tête était fatiguée, et qu’il espérait que ce soir elle serait en meilleur état, de sorte, continuaient les évêques, que nous reviendrons d’aussi bonne heure qu’il sera possible[3]. » Vingt-quatre « heures après, sans entrer dans d’autres détails, les évêques racontent qu’ayant trouvé le pape assez bien disposé, ils en ont profité pour lui faire agréer divers articles relatifs à l’institution canonique et à la clause additionnelle au concordat. Le pape, s’étant peu à peu familiarisé avec cette idée, ils avaient même pris la plume et rédigé sur un brouillon tout ce qu’on avait l’espoir de lui faire admettre. « Ce matin nous avons rédigé le tout clairement et en français. Nous l’avons présenté au pape. Il a voulu des changemens d’expression, des additions de

  1. Lettre de M. de Chabrol au minstre des cultes, 18 mai 1811.
  2. Septième lettre des évêques députés au ministre des cultes, 17 mai 1811. — Fragmens historiques, p. 294.
  3. Huitième lettre des évêques-députés au ministre des cultes, 18 mai 1811. — Fragmens historiques, p. 296.