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ployés fut d’insérer tout au long au Moniteur la délibération du conseil d’état qui déclarait nul et non avenu pour cause d’abus le bref du pape relatif à la nomination de M. d’Osmond à Florence. Puisque le conseil d’état n’avait pas songé à casser le bref tout semblable qu’on disait avoir été rendu contre la nomination du cardinal Maury, le public devait être conduit à conclure que ce bref n’avait jamais existé, et qu’il était une pure invention des ennemis du régime impérial. Malheureusement de pareils subterfuges n’étaient pas de mise auprès des personnes tant soit peu instruites de ce qui s’était passé. Il était par exemple bien difficile que le ministre des cultes, dans le rapport qu’il avait mission de rédiger pour les membres de la commission ecclésiastique, ne leur touchât pas au moins un mot des faits considérables dont on avait soigneusement dérobé la connaissance au corps législatif. S’il était pourtant une réunion d’hommes auxquels l’empereur n’eût aucun intérêt à rien cacher, parce qu’ils connaissaient parfaitement les faits et parce qu’ils étaient entièrement dévoués au régime impérial, c’étaient ceux auxquels M. Bigot allait avoir à s’adresser; mais l’habitude de toujours déguiser la vérité était la plus forte, et voici quelles singulières instructions l’empereur prit soin dans cette occasion de faire lui-même parvenir à son ministre des cultes. « Je vous renvoie votre exposé sur les affaires avec le pape. J’y trouve des inexactitudes. Par exemple, la réunion des états romains à l’empire a eu lieu lorsque le pape était à Savone, et non lorsqu’il était à Rome[1]. Il ne faut pas parler de l’abbé d’Astros ni de son pamphlet, et moins encore du mariage et de la légitimité de l’enfant; cela est trop absurde. Il faut dire qu’aussitôt qu’un courrier m’eut instruit qu’on avait été obligé d’éloigner le pape de Rome, parce qu’il voulait exciter un soulèvement dans le peuple, j’ai ordonné qu’il fût conduit à Savone. On peut ne pas parler de Grenoble[2]. »


II.

Nous avons eu déjà l’occasion d’indiquer quelles étaient au fond les secrètes dispositions des hommes politiques que M. Bigot de Préameneu avait reçu l’ordre de réunir vers la fin de l’année 1809 pour discuter dans un conseil particulièrement sûr et intime les

  1. C’est l’assertion de Napoléon qui est erronée. Ainsi que s’en souviennent peut-être nos lecteurs, la prise de possession de Rome et la substitution au château Saint-Ange des couleurs françaises au drapeau pontifical avaient eu lieu le 9 juin 1811, pendant que Pie VII séjournait encore au palais du Quirinal. L’empereur veut probablement parler du sénatus-consulte, qui ne fut en effet publié que plus tard.
  2. L’empereur Napoléon au comte Bigot de Préameneu, 29 janvier 1811. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXI, p. 372.