Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/67

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vive. Par leurs mœurs exemplaires, par la nature de leurs doctrines, s’il faut tout dire, par la partialité complaisante qu’ils professaient à l’égard du pouvoir qui venait de s’établir sur la ruine de nos libertés, MM. de Barral et Duvoisin se trouvaient naturellement désignés à la bienveillance de Napoléon. Pour mettre à la tête du clergé qu’il était en train de recruter, le nouvel organisateur de la France voulait avant tout des pasteurs recommandâmes et dignes, et recherchait chez eux les qualités privées de préférence aux vertus publiques. Son instinct, qui d’ordinaire le trompait rarement, cette fois encore le servit à souhait. Cependant, au moment de leur retour en France, en 1801, la situation de M. de Barral et celle de M. Duvoisin n’étaient pas tout à fait égales. M. de Barral, ancien conclaviste du cardinal de Luynes, ancien agent du clergé français à Rome, ce qui était un poste considérable, avait été nommé évêque in partibus d’Isaure dès l’année 1788. Il avait en 1790 succédé à l’un de ses oncles, évêque de Troyes, dont il était coadjuteur. A peine rentré en France, l’habile et docte évêque, qui appartenait à une noble famille du Dauphiné et que cette circonstance n’avait pas desservi sous l’ancien régime, sut parfaitement se réclamer d’une parenté assez éloignée avec la veuve de M. de Beauharnais. Joséphine, faisant honneur à cette alliance, se déclara sa protectrice ; elle obtint pour lui d’abord l’évêché de Meaux. puis le siège archiépiscopal de Tours, et en fit plus tard, quand elle devint impératrice, un sénateur et son premier aumônier. Prêtre convaincu et respectable, il ne faudrait pas s’y tromper, théologien renommé pour sa science, homme du monde par sa naissance et par ses relations sociales, M. de Barral posséda bientôt la confiance entière de Napoléon, qui avait tant de raisons de compter sur son absolu dévoûment. Le crédit fort naturel de l’archevêque de Tours aurait peut-être été plus grand encore, s’il n’avait pas fatigué quelquefois celui auquel il s’efforçait de complaire en prodiguant dans ses factums ecclésiastiques, d’ailleurs habiles et nourris de faits, une quantité de termes techniques et de figures imagées sentant un peu trop le séminaire. Napoléon, qui s’était fait de tout temps la loi absolue de tout lire, qui parcourait maintenant les mémoires des évêques de sa commission avec la même scrupuleuse attention que naguère les rapports des généraux de son armée, ne se démêlait qu’avec peine au milieu d’une phraséologie qui lui était encore assez peu familière. Quelque vif que fût devenu son goût inattendu pour les controverses théologiques, « on comprend, dit plaisamment l’abbé de Pradt, que l’ange de l’école, le maître des sentences y le grand Yves de Chartres, si vénérables qu’ils fussent, ne pouvaient pas être fort à l’usage d’un jeune conquérant que tout portait à trouver ces noms singulièrement nouveaux. »