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songer sérieusement à l’élection prochaine, et commença de porter ses regards sur les conventions préparatoires qui allaient fixer le programme politique et choisir les candidatures de chacun des deux partis. Or la question des droits des états, celle de la reconstruction des gouvernemens du sud, ne s’imposaient pas seules à l’attention de l’opinion publique. La querelle du droit des états avait été tranchée par la guerre, et la question du rétablissement des gouvernemens du sud était déjà aux trois quarts résolue par l’admission de leurs députés au congrès. Il y avait une autre question d’une importance tout aussi grande, et dont pour le moment les esprits se préoccupaient davantage : c’était celle des finances et de la dette publique. Depuis longtemps, l’état des finances inquiétait tout le monde, et fournissait à l’opposition un de ses griefs accoutumés contre la majorité du congrès. La lourdeur excessive des impôts, l’énormité des emprunts contractés par le gouvernement fédéral, avaient souvent éveillé la sollicitude ou provoqué l’irritation des démocrates. A la confiance excessive et extravagante qui avait régné pendant la guerre, avait succédé cette lassitude qu’on éprouve toujours après les grands efforts. On ne parlait de rien moins que de repousser un fardeau trop lourd, et d’alléger les charges nationales en répudiant une partie des engagemens publics. En un mot, la banqueroute commençait à séduire les esprits faibles et à devenir le lien d’un parti nouveau. Ce parti, recruté à la fois parmi les républicains et parmi les démocrates, était déjà devenu assez fort pour mettre à haut prix son alliance et pour imposer ses conditions à ceux qui seraient tentés de la rechercher. S’il n’était pas précisément à craindre que le trésor faillît à ses promesses, on pouvait du moins s’attendre à des embarras considérables et à une modification profonde du système financier établi dans ces derniers temps.

On se rappelle les moyens héroïques employés pendant quatre ans pour nourrir la guerre sous l’administration du président Lincoln. Six emprunts émis coup sur coup aux conditions les plus onéreuses, et s’élevant ensemble à près de 12 milliards, la création d’un papier-monnaie à cours forcé émis à mesure des besoins jusqu’à la somme immense de 2 milliards 500 millions, un système d’impôts multipliés et formidables épuisant de tous les côtés la richesse nationale, atteignant l’industrie, l’agriculture, le commerce, frappant à la fois le travail et la matière première, la consommation et la production, les produits étrangers et les produits indigènes, taxant à plusieurs reprises le même objet sous plusieurs formes, prélevant enfin une dîme générale sur le revenu des citoyens, toutes les institutions fiscales des pays de l’ancien monde improvisées en quelques jours chez un peuple