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raineté, les fulminations pontificales n’avaient point été dans la présente occasion justement mises en usage. Ils n’hésitèrent point à rappeler à ce sujet que sous Louis XIV et sous Louis XV « Avignon avait été occupé par les troupes françaises, et que les papes alors existans s’étaient abstenus de lancer les foudres de l’excommunication. »

Il ne nous appartient à aucun degré d’émettre une opinion quelconque sur les doctrines professées par des ecclésiastiques de grand renom sur des matières qui nous sont si parfaitement étrangères. En fait, il est difficile de ne pas remarquer combien l’occupation momentanée d’Avignon, que ni Louis XIV ni Louis XV n’avaient assurément l’intention de garder, avait peu de rapport avec l’occupation complète et la confiscation définitive de la totalité des états du saint-père. Quant à cette loi suprême de la nécessité qui faisait la base même de l’argumentation des membres de la commission, ne provenait-elle pas de la seule volonté de l’empereur, et comment pouvait-elle dès lors créer un droit en sa faveur? N’était-ce pas Napoléon qui tenait le pape captif, n’était-ce pas lui qui lui interdisait, par mesure de police, toute communication avec les prêtres et les fidèles de son église? Pie VII ne prétendait nullement refuser les bulles d’institution canonique aux évêques nommés aux sièges vacans de l’empire par la seule raison qu’on lui avait confisqué ses états; il se bornait à dire que, retenu prisonnier, privé de ses conseillers naturels, les membres du sacré-collège, dépourvu de tout moyen d’informations sur les sujets à lui désignés par le choix impérial, il était hors d’état de remplir avec une suffisante sûreté de conscience cette partie essentielle de ses attributions pontificales qui regardait le recrutement de l’épiscopat; remis en possession de sa liberté, entouré des conseils et des lumières qui lui étaient indispensables, il agirait suivant les inspirations de la volonté divine. Les souffrances trop réelles de l’église de France ne lui étaient donc pas imputables. Elles devaient en bonne logique être portées tout entières au compte de celui qui avait mis sa main violente sur le chef de la religion, et qui, le maintenant encore contre toute justice en état de séquestration absolue, avait jeté les affaires religieuses non-seulement de la France, mais de tous les pays catholiques, dans la plus inextricable confusion.

Aucun des membres de la commission ecclésiastique n’entretenait à ce sujet la moindre illusion, et les plus dévoués à l’empereur, son oncle en particulier, savaient parfaitement à quoi s’en tenir sur le fond des choses. Sans prétendre excuser ces dignitaires de l’église de France de n’avoir jamais osé ni parler ni agir dans le sens de leurs intimes convictions, nous croyons juste d’expliquer combien leur situation était difficile, et quels efforts plus ou moins heu-