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d’existence. Il y a plus d’un an qu’il vit, il a tenu tête à toutes les difficultés, à toutes les attaques, et même dans cette année laborieuse il a fait plus que bien d’autres. M. Cambray-Digny a pansé de son mieux les plaies financières de l’Italie, il a réalisé des réformes devant lesquelles on reculait jusqu’à lui, il s’est donné du temps, et récemment encore, dans une de ces réunions à l’anglaise comme il y en a quelquefois au-delà des Alpes, dans un banquet qui lui a été offert au cœur de l’Apennin, chez le marquis Corsini, M. Cambray-Digny pouvait constater une sensible amélioration. M. Broglio est un ministre de l’instruction publique actif et énergique qui a entrepris de mettre de l’ordre dans l’enseignement. Le nouveau ministre de l’intérieur qui a succédé récemment à M. Cadorna, M. Cantelli, est un esprit capable qui sent la nécessité de refaire l’administration publique. Le ministre de la marine, l’amiral Ribotti, n’a pas reculé devant de sérieuses réformes en commençant par se mettre lui-même à la retraite. En un mot, le général Ménabréa et ses collègues ont conduit les affaires avec fermeté, sans recourir d’ailleurs à rien qui ait l’air d’un coup d’état, de façon à préserver l’Italie des suites d’une crise redoutable et à tenir l’opposition en échec. La nomination de M. Mari à la présidence de la chambre est pour le cabinet un nouveau succès qui révèle tout au moins l’existence d’une majorité sérieuse.

Est-ce à dire que le ministère italien soit à l’abri de toute atteinte sur cette mobile scène parlementaire où les questions naissent à chaque pas ? Il a au contraire à se défendre contre une. opposition à laquelle les dissidences piémontaises ou napolitaines sont toujours près de porter un contingent redoutable, et qui, maniée par un homme tel que M. Rattazzi, peut devenir dangereuse. De quoi n’accuse-t-on pas le ministère ? En réalité les deux points principaux d’accusation sur lesquels l’opposition paraît devoir se fonder dans sa campagne nouvelle sont les finances et l’affaire de Rome. Sans être complètement résolue, la question financière est certainement aujourd’hui dans de meilleures termes qu’il y a un an. La compagnie des tabacs s’est constituée, des obligations ont été émises, elles sont même en hausse ; mais c’est là précisément le grief. On voit dans ce succès la preuve que l’opération aurait pu être faite avec plus d’avantage pour le trésor. Il semble réellement que dans la situation de l’Italie il n’y a qu’à ouvrir la main pour recevoir de l’argent, et qu’il n’en coûte rien pour relever un crédit fort délabré. Nous serions assez curieux de savoir comment l’Italie aurait réussi encore une fois à attirer les capitaux dans ses affaires sans les allécher par quelques avantages. Les détails importent peu. Le mérite de M. Cambray-Digny est d’avoir marché, de s’être donné de l’espace, d’avoir assuré pour un an les services publics en réduisant le déficit à des proportions moins inquiétantes.

Une autre question plus grave et plus délicate dont l’opposition compte sans doute tirer parti, c’est l’éternelle affaire de Rome. Le ministère