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que jamais ; il publie, lui aussi, son programme, il a ses manifestations, ses comités. Dans les principales villes, à Barcelone, à Séville, à Malaga comme à Madrid, il y a les processions monarchiques et les processions républicaines qui se rencontrent dans les rues promenant leurs drapeaux.

Jusqu’ici tout cela s’est passé sans collision sérieuse ; on défile sur les places publiques, on pérore pour la royauté ou pour la république fédérale, et on ne va pas plus loin. À ne considérer que le moment présent, ce serait sans doute une exagération de voir dans ce qui se passe en Espagne un état purement anarchique, de s’effrayer, outre mesure de ce déploiement d’une liberté nouvelle. Il y a mieux, les chefs républicains eux-mêmes sont les premiers à prêcher le calme et l’ordre à leurs partisans, car ils sentent qu’ils y sont intéressés plus que tous les autres ; mais enfin combien de temps croit-on qu’une situation semblable puisse se prolonger sans que les passions s’allument, sans que les dissentimens s’aigrissent, sans que les processions dégénèrent en conflits ? On commence par promener les drapeaux de la république et de la monarchie avec la pensée de faire une manifestation pacifique, et on finit par en venir aux mains. Or que fait le gouvernement, provisoire institué pour conduire la révolution espagnole jusqu’à son dénoûment ? En vérité, il ne fait rien. La plus simple et la plus naturelle politique eût été de hâter la réunion d’une assemblée nationale pour constituer au moins un pouvoir régulier ; bien au contraire le gouvernement vient d’ajourner encore une fois les élections. Les chefs de la révolution ne se fient pas absolument au suffrage universel. Ils sont tout au moins d’accord, dit-on, et cet accord est la meilleure garantie de la paix publique. Effectivement les chefs de la révolution semblent être convenus entre eux d’abord de ne pas soulever pour le moment la question des candidatures royales, et en outre, quand ils auront fait un choix, de se rallier à la décision de la majorité du conseil pour la soutenir unanimement devant les cortès ; mais quand cela serait, est-ce que la difficulté se trouve supprimée ? C’est justement la question grave qu’on met en interdit, parce qu’on sent bien que c’est là qu’éclateront les divisions malgré toutes les apparences d’unanimité dans le gouvernement. On laisse ainsi s’envenimer une situation où tout deviendra également possible et impossible. ch. de mazade.




Cette reprise des Huguenots que l’Opéra vient de faire, et qui finalement devait réussir, n’aura été au début qu’une suite d’inextricables mésaventures. L’abbé de Bernis disait à M. de Choiseul, qui lui refusait un poste de secrétaire d’ambassade : « Soit, monseigneur, vous m’empêchez de faire une petite fortune, eh bien ! j’en ferai une grande. » Si