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donne la nomenclature détaillée de toutes les pièces d’or et d’argent en circulation dans l’univers qui ont été essayées au laboratoire de la monnaie de Paris, et énonce en regard la valeur qu’on leur a officiellement reconnue. Le poinçon spécial des matières d’or et d’argent œuvrées détermine en quelque sorte la somme qu’elles représentent. Tout lingot est revêtu de la marque de l’affineur, de celle de l’essayeur, d’un chiffre indiquant le titre, d’un autre chiffre donnant le poids. Cette attestation suffit au change, qui ne fait pas vérifier la qualité constitutive du métal. Le lingot, mis sur les balances, est pesé, puis il reçoit un numéro d’ordre et est frappé du poinçon particulier du bureau : CD. M. P. (commission des monnaies, Paris). En échange, on remet au propriétaire, indépendamment d’un reçu détaillé, un bon payable ordinairement à huit jours de vue et par lequel l’administration s’engage à rendre en espèces l’équivalent du poids qu’elle vient de recevoir ; seulement on retient d’avance les frais de fabrication, qui sont, comme on l’a déjà dit, de 1 franc 50 cent, par kilogramme d’argent et de 6 francs 70 cent, par kilogramme d’or. Si jamais il y a eu au monde des instrumens de précision, ce sont les balances de ce bureau. Elles sont d’une sensibilité sans pareille, un cheveu les fait dévier, un souffle les dérange ; à un bruit qui vibre dans l’air, les plateaux oscillent. Chaque jour, un ajusteur-balancier appartenant au service de l’hôtel vient les examiner, constate que le fil à plomb est parfaitement vertical et vérifie l’horizontalité de la table avec des engins si perfectionnés, si impressionnables, que toute chance d’erreur paraît devoir être évitée.

Parfois on apporte là des masses de vieilles monnaies dont la teinte primitive a été altérée par le temps, mais dont l’empreinte régulière est aussi nette que si la pièce venait d’être frappée. Ce sont des trésors trouvés ou précieusement gardés, légués de main en main, et qu’on se décide enfin à faire rentrer dans la circulation générale. J’ai vu un monceau de pièces d’or de Charles III d’Espagne et de doubles Louis XVI qu’on venait échanger contre de la monnaie courante. Dans ce cas, comme pour l’argenterie et les bijoux, on reçoit immédiatement la valeur représentative ; le bureau retient seulement l’intérêt d’une semaine, correspondant au délai de huit jours accordé pour convertir les lingots en espèces. Les apports d’argenterie et de matières d’or travaillées sont beaucoup plus rares qu’on ne le croit généralement. En 1867, le bureau du change a reçu 25,518 kilogrammes 761 grammes 93 décigrammes d’or, et 162,700 kilogrammes 381 centigrammes d’argent. Dans le premier chiffre, les bijoux n’entrent pas pour 3 kilogrammes, et dans le second l’argenterie né compte que pour 623 kilogrammes 604 grammes. Il n’en est pas toujours ainsi, et ce bureau du change,