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ouvrier dirige la bande, qui, étant amorcée, passe sous l’emporte-pièce ; lorsqu’elle y a été entièrement soumise, elle ressemble à une petite planche à bouteilles où il y aurait plus de trous que de bois, et s’appelle de la cisaille ; telle qu’elle est, elle ne peut plus servir à la fabrication de la monnaie, il faut qu’elle soit refondue.

Tous les flans réunis sont triés avec soin, on rejette ceux qui ont été irrégulièrement taillés par le découpoir ; ceux au contraire dont la forme paraît normale sont comptés et remis aux ouvriers peseurs. Ces derniers, assis devant une table à pieds solides, font passer les flans un à un sur de petites balances singulièrement sensibles qu’on appelle des trébuchets. Les flans trop lourds sont réduits au poids qui leur est imposé à l’aide d’une forte lime qu’on nomme écouanne. Lorsqu’ils ont été pesés, toutes les opérations préliminaires ne sont pas encore terminées, car les scories de la fonte, les huiles des laminoirs et du dragon les ont si bien graissés et noircis, qu’à moins d’avoir un œil très exercé il est impossible de reconnaître s’ils sont en or ou en argent. Il s’agit alors de les décaper, c’est-à-dire de les débarrasser de toute matière étrangère et de les blanchir. Après avoir été chauffés au rouge en vase clos, ils sont déposés dans une sorte de boîte ronde, semblable à un brûloir à café, sauf qu’elle est percée de trous nombreux. Ajustée sur les bords d’une auge pleine d’eau chaude mélangée d’acide nitrique ou sulfurique suivant que l’on traite de l’or ou de l’argent, et dans laquelle elle plonge complètement, elle est mue circulairement par une chaîne de tournebroche déroulée à la vapeur. Après un tel bain, les flans brillent comme un pur métal, et on leur donne un faible poli en les agitant de la même façon dans une boîte pareille à la première qui renferme de simples morceaux de bois carrés et qui baigne dans de l’eau. Le blanchiment étant terminé, on sèche les flans sur une grande bassine de cuivre à double fond chauffée à la vapeur. L’ensemble des flans provenant d’une même fonte prend dès lors le nom de brève. D’où vient ce mot, qui est technique dans l’art du monnayage et qu’on retrouve de tout temps ? Il vient du latin brevis avec l’acception de résumé. C’était dans le principe le bulletin, le bref-état, disent les vieux écrivains, sur lequel on détaillait le nombre des pièces destinées à une fabrication. On a pris la partie pour le tout, et l’appellation se maintient encore aujourd’hui. Chaque brève porte un numéro d’ordre qui la suivra jusqu’à l’instant où elle entrera sous forme de monnaie dans la circulation définitive.

La brève de 10,000 flans (fabrication des pièces de 20 francs) est divisée en dix parties égales, placées chacune dans une manne séparée à laquelle on joint un bulletin portant le numéro de la brève, le quantième du mois, le numéro de la manne et le poids