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bruissement des roues motrices. A vue d’œil, la manne des flans se vide, la sébile des monnaies se remplit. Tout neuf, reluisant, « larme au soleil ravie, » l’or qui s’entasse dans les larges coupelles de bois a des reflets verdâtres et pâles qui ne sont pas sans beauté ; les ouvriers le regardent d’un œil indifférent, habitués au ruissellement de ces richesses, examinant par-ci par-là une pièce à la loupe pour reconnaître si l’empreinte est bien venue, mais ayant par-dessus tout l’air ennuyé d’hommes réduits à surveiller les mouvemens automatiques d’une machine. C’est là pourtant et entre leurs mains que passe et repasse la fortune métallique de la France. Pendant l’année 1867, on a frappé aux presses monétaires de cette grande salle 47,691,103 bonnes pièces d’or et d’argent représentant une valeur de 136,810,434 fr. 20 c.[1]. La fabrication n’est pas arbitraire, le genre de pièces qu’on doit frapper est déterminé par les lois du 6 mai 1852, du 13 juillet 1861, et par l’arrêté ministériel du 10 novembre 1857. Un million d’or doit réglementairement être divisé en 100 pièces de 100 francs, 200 pièces de 50 francs, 37,000 pièces de 20 fr., 19,000 pièces de 10 fr. et 11,000 pièces de 5 francs. L’argent et le bronze sont soumis aussi à des coupures analogues. Ces dernières ne sont point absolument obligatoires, et l’on consulte avant tout les exigences du commerce, qui, dans certains momens, a besoin d’un genre de monnaie plutôt que d’un autre.

Au fur et à mesure qu’une sébile est remplie, on la porte au bureau du contrôleur, où elle est pesée, comptée ; lorsque les dix sébiles représentant la brève complète ont été ainsi vérifiées, on fait sur la masse entière des pièces ce que l’on nomme la prise des échantillons. En présence du directeur de la fabrication ou de son délégué, le commissaire de la monnaie et le contrôleur au monnayage prennent au hasard six pièces dans chacune des dix sébiles ; sur ces soixante pièces, six sont prélevées ; trois, enfermées sous enveloppe scellée du cachet du directeur, du commissaire et du contrôleur, sont adressées au président de la commission ; les trois autres sont remises au directeur des essais qui les difforme au laminoir, effaçant les marques et les différens, et en confie deux ainsi retournées à l’état de lingot aux essayeurs du laboratoire de la Monnaie, qui sont chargés d’en constater le titre exact et qui poussent l’art de la docimasie jusqu’à ses dernières limites. La

  1. Or, poids, 24,505 kilogrammes 175 gr. 60 ; valeur, 75,969,795. fr. ; nombre : pièces de 100 francs 4,309, de 20 francs 2,923,024, de 10 francs 1,204,755, de 5 fr. 1,006,173 : total, 5,138,261 pièces. — Argent, poids. 304,183 kilogr. 548 gr. ; valeur, 60,840,439 fr. 20 centimes ; nombre : pièces de 5 fr. à 900 millièmes, 6,586,442, monnaies divisionnaires à 835 millièmes ; 2 francs, 3,695 ; 153 ; 1 franc, 12,131,428 ; 50 centimes, 114,528,438 ; 20 centimes, 5,611,381 : total, 42,552,842 pièces.