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où elle se plaisait, et les premiers arbres exotiques qu’elle y introduisît lui furent offerts par Archibald, duc d’Argyle, qu’Horace Walpole appelait plaisamment le marchand de bois. La même princesse fît bâtir une vaste orangerie qui subsiste encore. En 1789, George III acheta Kew house, le démolît, et s’installa dans le palais voisin de Kew, qui appartenait jadis à sir Hugh Portmann, riche personnage que la reine Elisabeth avait anobli. Ce petit, mais pittoresque édifice, datant de Charles Ier, avait été acquis en 1781 par la reine Charlotte, femme de George III, qui y mourut. Fidèle aux traditions de la princesse de Galles, elle aimait à s’entourer de plantes ; le nombre de celles qu’elle faisait cultiver s’accroissait sans cesse, et elle construisît deux serres pour les recevoir. Le directeur de ces jardins, Joseph Aiton, publia en 1789, sous le titre de Hortus Kewensis, un catalogue de 5,600 espèces, étrangères à l’Angleterre, dont la plupart végétaient dans les parterres, l’orangerie et les serres de Kew. La science devait un témoignage d’estime à la reine Charlotte, et le président de la Société linnéenne de Londres, James Smith, dédia le genre Strelitzia à cette reine, née princesse de Mecklembourg-Strélitz. Les voyages du capitaine Cook et de sir Joseph Banks, ceux de Flinders, de Robert Brown, d’Altan Cuningham, les expéditions de Bowie et Masson, enrichirent les orangeries et les serres des productions du Cap, de l’Australie, du Brésil, et nécessitèrent de nouvelles contractions. Après la mort de George III, l’établissement resta stationnaire, et Guillaume IV ajouta seulement une serre à celles qui existaient déjà.

Jusqu’ici les jardins de Kew étaient réservés à la famille royale, la science et les amateurs de botanique n’en profitaient point directement. Cependant l’opinion publique, si puissante es Angleterre, réclamait la transformation de Kew en un véritable jardin botanique comme ceux qui existent dans les capitales du continent. Le célèbre botaniste et horticulteur Lindley résuma les vœux de la portion éclairée du peuple anglais. Il demandait la création à Kew d’un jardin national et central qui serait en relation avec les établissemens secondaires des trois royaumes, en favoriserait les progrès et mettrait la botanique au service de l’état et du public. La médecine, le commerce, l’agriculture, l’horticulture, l’industrie, profiteraient de cette création en tout ce qui touche au règne végétal. Un jardin de cette espèce montrerait quelles sont les cultures profitables aux colonies nouvelles, leur fournirait les premiers sujets, et le gouvernement ne serait plus dans la nécessité de s’adresser à des établissemens privés. Le parlement accepta ce programme, la reine Victoria l’approuva, et les jardins de Kew passèrent dans le domaine des eaux et forêts. Une partie comprenant 160 hectares,